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poussé par un vent favorable, irait planer sur Paris, où il pourrait effectuer sa descente. Cette entreprise n’avait rien d’irréalisable, et elle aurait certainement été couronnée de succès, si elle eût été poursuivie avec persévérance.

Quoi qu’il en soit, voici les tentatives qui furent faites pour ramener à Paris les ballons-poste.

On devait envoyer des ballons et des aéronautes à Orléans, à Chartres, à Évreux, à Dreux, à Rouen, à Amiens, c’est-à-dire dans toutes les villes peu distantes de Paris, et où il existe de grandes usines à gaz. Chaque aéronaute devait avoir une bonne boussole, et connaître l’angle de route vers Paris. Il devait observer les nuages tous les matins, au moyen d’une glace horizontale fixe, où était tracée une ligne se dirigeant au centre de Paris. Quand il aurait vu les nuages marcher suivant cette ligne, c’est-à-dire quand la masse d’air supérieur se dirigerait sur Paris, il devait gonfler son ballon à la hâte, demander à Tours, par le télégraphe, des instructions, des dépêches, et partir. Son point de départ était à vingt lieues de Paris environ, et le but de son voyage à travers les airs était Paris, qui, en y comprenant les forts, offre une étendue de plusieurs lieues. N’avait-il pas bien des chances de réussir ? S’il passait à côté de la capitale, il devait continuer son voyage, et descendre plus loin, en dehors des lignes prussiennes. Quand le vent soufflerait du nord, le ballon d’Amiens pourrait partir ; lorsqu’il soufflerait du sud ou de l’ouest, les aérostats d’Orléans et de Dreux se mettraient en route. Avec une douzaine de stations échelonnées sur plusieurs lignes de la rose des vents, les essais devaient être nombreux, et quelques-uns pouvaient réussir, si l’on ne craignait pas de renouveler fréquemment les voyages. Si un ballon était assez heureux pour passer juste au-dessus de Paris, il descendrait dans l’enceinte des forts. Là, la campagne est suffisamment étendue pour que l’atterrissage soit facile. Au pis-aller, il pourrait risquer de tomber sur les toits. Dans tous les cas, il lui serait possible de lancer par-dessus bord des lettres et des dépêches apportées de son point de départ.

Tel était le programme tracé aux aéronautes épars dans les villes des départements ci-dessus désignées.


La première tentative fut faite à Chartres, par M. Révillier ; mais les Prussiens s’étant présentés devant Chartres, cet aéronaute dut s’échapper de la ville, avec son matériel.

MM. Albert et Gaston Tissandier envoyés au Mans, avec le ballon le Jean-Bart, cubant 2 000 mètres, pour tenter le retour à Paris, durent attendre pendant plusieurs semaines le vent sud-ouest favorable au départ ; mais ce vent manqua toujours. Pendant ce temps, le projet primitif dut être modifié ; car les armées prussiennes s’emparaient d’Orléans, de Rouen, de Dreux, d’Amiens, les villes mêmes où les ascensions devaient s’exécuter. Le départ aérien, qu’il était possible de tenter avec quelque chance de succès, à 20 lieues de Paris, devenait chimérique à une distance beaucoup plus grande.

En dépit de ces conditions défavorables, MM. Tissandier, encouragés par le gouvernement de Tours, se rendirent à Rouen, avec l’aérostat le Jean-Bart, et ils entreprirent deux voyages aériens, dans des conditions vraiment dramatiques. Ils purent s’élever dans les airs, avec un vent favorable, s’avancer au-dessus des nuages, dans la direction de Paris ; mais les courants atmosphériques, si variables en automne, devaient les éloigner bientôt du bon chemin.

Voici quelles furent les particularités de cette curieuse entreprise.

C’est le 7 novembre 1870, que MM. Gaston et Albert Tissandier partirent, en ballon, de