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une prodigieuse confiance dans leur appareil pour essayer d’atterrir dans un aussi petit espace. Pour tous les spectateurs de cette expérience, c’est là un véritable tour de force.

Après une pareille expérience, on peut dire, sans aucune exagération, que le problème, si longtemps cherché, est enfin résolu, et que la route de l’air est ouverte.

Ce qui semblait hier une utopie est aujourd’hui passé dans le domaine des faits. Un ballon est parti de son port et y est fidèlement revenu, avec une précision telle qu’on n’aurait pu mieux faire avec un bateau à vapeur.

Le ballon était monté par le capitaine du génie Ch. Renard, directeur des ateliers d’aérostation de Meudon, et à qui notre pays doit déjà tant de découvertes utiles et d’applications heureuses de l’instrument des Montgolfier et des Charles à l’art de la guerre.

Le capitaine Ch. Renard était accompagné du capitaine Arthur Krebs, qui a été pendant près de six années son collaborateur, et qui doit partager avec lui tout l’honneur de cette merveilleuse invention.

C’est une gloire pour l’armée française d’avoir dans son sein des hommes de cette valeur.

C’est aussi une grande gloire pour la nation française d’avoir complété la découverte de Montgolfier en transformant la bouée aérienne en un navire dirigeable.

La navigation aérienne est aujourd’hui doublement un art français ; mais les bienfaits de la nouvelle découverte s’étendront évidemment sur le monde entier.

Nous sommes à la veille d’une révolution complète dans l’art de la locomotion, révolution dont les conséquences sociales et internationales dépasseront probablement les prévisions les plus optimistes. Heureux ceux qui vivront assez pour assister à cette transformation et en goûter les bienfaits !


Après ce récit du premier voyage des capitaines de Meudon, — récit trop dithyrambique — nous donnerons quelques détails sur la construction et les dispositions du nouvel aérostat.

Pour qu’un ballon offre à l’air une résistance suffisante, il est indispensable que l’étoffe présente une rigidité absolue. Dans le cas contraire, l’enveloppe, détendue, n’est plus qu’une surface flottante se comportant comme une voile, et dans les plis de laquelle le vent s’engouffre. Ce fait se produit chaque fois qu’en opérant un mouvement de descente, on laisse échapper une certaine quantité de gaz.

MM. Renard et Krebs, suivant un procédé déjà employé avant eux, avaient établi à l’intérieur de l’aérostat, un ballonnet compensateur. Chaque fois que les nécessités de la manœuvre exigent une déperdition d’hydrogène, on insuffle dans ce ballonnet, au moyen d’un ventilateur, une quantité équivalente d’air, et la surface externe reprend sa rigidité première.

À l’arrière de la nacelle se trouvent placées, dans une position horizontale, deux grandes palettes, en forme de rames, qui servent à modérer la descente.

L’hélice, qui a 7 mètres de diamètre, peut faire 47 tours à la minute. La force motrice, susceptible d’atteindre huit chevaux-vapeur, est obtenue à l’aide d’une machine dynamo-électrique, construite dans des conditions de légèreté exceptionnelles.

Enfin, le générateur d’électricité est une pile inventée par M. Krebs, directeur de l’atelier aérostatique. Elle est d’une grande puissance, quoique d’un très petit volume.

Dans la communication qu’il adressa à l’Académie des sciences, le 18 août 1884, M. Krebs ne donnait aucune indication au sujet de la composition de cette pile voltaïque. Elle avait deux défauts : son action avait une durée très limitée, ce qui ne permettait pas d’exécuter de longues excursions, et les éléments dont elle se composait étaient d’un prix élevé.

Comme nous le verrons plus loin, M. Krebs l’a plus tard modifiée avantageusement.


Voici maintenant quelques renseignements sur la personne et les travaux des deux capitaines aéronautes.

M. le capitaine Ch. Renard est né, à la fin de 1847, à Damblain, dans le canton de Lamarche (Vosges). C’est au collège de la Trinité, dans sa ville natale, qu’il commença