Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 5.djvu/732

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion



l’amiral Amet, commandant en chef l’escadre d’évolutions et qui se trouve sur la passerelle du Colbert, entouré de tous les officiers de ce vaisseau, questionne longuement l’observateur aérien au moyen de signaux transmis à l’Implacable et répétés par le téléphone qui communique avec la nacelle de l’aérostat.

Les réponses se font instantanément. Tous les états-majors des navires de l’escadre suivent avec un vif intérêt les mouvements qui se produisent entre l’Implacable et le ballon captif.

À 10 heures nouvelle descente et nouvelle ascension à 400 mètres d’altitude. Cette fois on procède à des levés photographiques. Des communications s’établissent encore entre le Colbert, l’Implacable et la nacelle de l’aérostat.

Le lieutenant Serpette répond aux questions posées par l’amiral Amet et par le commandant de Mongret. À 10 heures 20, une chaloupe à vapeur remorque le ballon captif et le conduit au large. La Commission prend place à bord de cette embarcation et continue les communications téléphoniques avec le capitaine Serpette.

La chaloupe revient sur rade à 11 heures. Elle fait le tour de l’escadre et accoste l’Implacable, où le câble est amarré. Le capitaine commande de rappeler le ballon. Aussitôt la bobine, autour de laquelle s’enroule le câble en bourre de soie de 12 millimètres de diamètre, se met en mouvement. L’aérostat descend et se trouve en quelques instants sur le pont du navire, où il est retenu.

Quelques jours après, le ballon captif ayant dans sa nacelle M. le lieutenant de vaisseau Serpette s’élève de nouveau dans les airs à bord de l’Implacable.

L’aérostat, au-dessous duquel flotte le pavillon national, a été remorqué à bord du cuirassé l’Indomptable, où son câble a été amarré.

À l’arrière, deux petits ballons l’accompagnent pour lui fournir du gaz au cas où des déperditions viendraient à se produire pendant ces expériences en pleine mer. À 9 heures, l’Indomptable, commandant Leclerc, a appareillé et fait route vers le sud-est ; il a disparu bientôt à l’horizon, ne laissant apercevoir que le ballon captif qui plane majestueusement.

La commission est installée à bord de l’Indomptable afin de rendre compte des expériences de sensibilité à grandes distances.

M. le lieutenant Serpette aura eu le mérite d’introduire dans la guerre maritime l’usage de ces observatoires volants, nouveaux instruments d’information appelés sans doute à jouer un certain rôle dans les batailles navales, à condition que l’on fasse usage dans les batailles de poudre à canon ne donnant point de fumée, problème aujourd’hui parfaitement résolu.

Les torpilleurs auront désormais à redouter les filets Bullivan, les projecteurs de lumière électrique, les blindages de cellulose, etc., les aérostats captifs. À ce point de vue les ballons seront les alliés des vaisseaux cuirassés. La surveillance des mouvements de l’ennemi sur le littoral ou dans les terrains avoisinant les côtes deviendra ainsi infiniment plus aisée grâce à ces engins dont l’efficacité défensive est incontestable. »


L’introduction des ballons captifs dans la marine est une excellente innovation. La seule difficulté à vaincre, c’est d’organiser l’arrimement du navire de manière à permettre le gonflement du ballon à bord. Quant à la préparation du gaz hydrogène, on l’éviterait en embarquant des tubes d’acier pleins de gaz hydrogène, tels que les aérostiers anglais les ont imaginés, et qu’ils ont employés, ainsi que nous l’avons dit, dans leur campagne du Soudan, et dont les Italiens ont également fait usage en Abyssinie.

Avec le guide-rope marin, ou le cône-ancre dont ont fait usage Sivel, Lhoste et Mangot, le ballon peut flotter, à l’état captif, au-dessus du navire, et s’il est nécessaire, se séparer des liens qui l’attachent, et s’élancer, avec toute la vitesse du vent, dans la direction qui paraît utile aux opérations de la flotte.

La Méditerranée serait un bon champ de manœuvres pour des aéronautes expérimentés, adroits et dévoués, sachant allier la science au courage. La mer, qui n’a été jusqu’ici que le tombeau des émules d’Icare, deviendrait, grâce à ces vaillants explorateurs des airs, le théâtre de leurs exploits. Ces hommes dévoués et audacieux braveraient, pour le bien de la patrie, les fureurs réunies de Neptune et d’Éole, s’il nous est permis d’emprunter, en passant, à la mythologie ses antiques symboles.