Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 5.djvu/735

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rizières inondées à cette époque de l’année. Les étapes sont donc de ce chef très fatigantes pour les aérostiers, obligés, en outre, d’exercer parfois des efforts considérables sur les cordes pour résister au vent. Cependant, leur vitesse de progression reste sensiblement égale à celle des autres troupes et la marche de la colonne n’en est pas retardée.

Le 11, au soir, la concentration des deux brigades est opérée vers le marché de Chi, sur le canal des Rapides (la 2e brigade, de Négrier, s’était formée à Haï-Dzuong et avait été dirigée sur le même point). Une reconnaissance de la position de Trug-Son, objectif de la 1re brigade, est effectuée dans l’après-midi ; elle prend fin à la nuit tombante. Le vent était un peu fort, néanmoins la hauteur moyenne de la nacelle fut d’environ 150 mètres. Le lendemain, vers une heure, la première brigade était déployée face aux hauteurs de Srung-Son qu’elle devait enlever.

Le temps était très calme, le câble absolument vertical et déroulé en entier, l’observateur planait à 250 mètres au-dessus de nos troupes. L’action est engagée par une canonnade des batteries d’avant-garde contre une ligne de pavillons plantés en terre ; l’observateur donne, à la voix, des renseignements sur les points de chute de nos projectiles ; l’action s’étend bientôt sur toute la ligne, les commandants des bataillons chargés d’enlever une position, qui un village, qui une hauteur ou un bouquet de bois, viennent au-dessous du ballon demander à la voix des indications à l’observateur. Les réponses sont toujours à peu près identiques : « L’objectif n’est plus guère occupé que par la valeur d’une compagnie ; l’armée chinoise bat rapidement en retraite. » Les chefs d’unité vont alors donner leurs ordres en conséquence, le moral général se ressent d’une façon très sensible de ces nouvelles toutes rassurantes. Deux officiers à cheval portent au chef d’état-major des billets lancés par l’observateur et pourvus de banderolles de toile lestées destinées à les faire retrouver plus rapidement.

Vers 6 heures, toutes les positions ennemies sont occupées.

Pendant ce combat, la 3e brigade avait poussé très rapidement les Chinois à droite et, allongeant le tir de ses pièces, les avait empêchés de rentrer dans Bac-Ninh, où elle pénétrait elle-même dans la soirée. La place était donc tombée du premier coup dans nos mains, et un assaut — comme cela avait eu lieu pour la prise de Son-Tay — opération toujours délicate et dans la préparation de laquelle le ballon eût été, comme moyen de reconnaissance, un auxiliaire précieux, avait été inutile.

Le lendemain, la 1re brigade et les aérostiers faisaient leur entrée dans la ville vers 4 heures du soir. Le 16, ordre de dégonfler le ballon était donné.

Ainsi cet aérostat, gonflé le 3 mars, exécutait quelques ascensions le 4, voyait ses pertes de gaz réparées par un gonflement partiel le 7, suivait l’armée dans toutes ses étapes du 8 au 11 mars, figurait sur le champ de bataille du 12, entrait à Bac-Ninh le 13, et, le 16, eût encore été en mesure d’enlever un observateur après 13 jours de service.

Pendant ces marches, un sous-officier laissé à Hanoï avait conduit par eau jusqu’à Dap-Cau (port de Bac-Ninh) un deuxième ballon verni à Hanoï même. La première couche de vernis de ce ballon avait été appliquée le 25 février ; il devait en recevoir quatre couches. Le séchage se faisait très mal, bien que le ballon fût suspendu pour cette opération dans un grand hall de bambous, construit à la hâte pour cet usage. À cette époque de l’année, le temps est, en effet, très humide et il tombe presque chaque matin une petite pluie, le crachin, très fine et très pénétrante. Aussi, suffit-il de bien peu de temps (24 heures environ), pendant le trajet par eau de Hanoï à Dap-Cau pour échauffer le vernis du ballon plié pour ce transport et rendre l’aérostat à peu près impropre à tout service.

Opérations contre Hong-Hoa. — Les aérostiers marcheront cette fois avec la 2e brigade. La 1re brigade part un jour avant ; elle doit dessiner à gauche un mouvement enveloppant. Le départ est fixé au 6 avril, le gonflement a lieu le 4. La route est meilleure, la colonne, débarrassée de tous les impedimenta (trains des corps qui marchent à la queue), avance avec plus de rapidité.

Le 8 avril, le temps est très mauvais et le vent violent. Des nuages bas courent avec vitesse ; l’étape n’est heureusement que de quelques kilomètres, cette journée devant être consacrée au repos à Sontay. Les aérostiers entrent les premiers dans la ville ; pour aller se mettre à l’abri derrière les remparts. Le ballon, toutefois, a un peu souffert, il est absolument indispensable de fermer la manche par les forts vents, précaution négligée ce jour-là. Un gonflement partiel est nécessaire et a lieu pendant la nuit (Pour parer à toute éventualité, on avait fait venir par eau jusqu’à Sontay les appareils de gonflement et un petit approvisionnement de réactifs).

La colonne quittait Sontay le lendemain matin et suivait la route qui longe le fleuve. Cette route, constituée par la digue de la rive droite du fleuve Rouge, est large et d’un parcours facile ; toutefois, de gros arbres ou des villages obligent toujours les aérostiers à descendre dans les rizières inondées.

Ascension de reconnaissance. — Le lendemain, la 2e brigade restait en station à Vu-Chu ; le temps était beau, et vers 9 heures du matin, le général de Négrier faisait une ascension de reconnaissance. Hong-Hoa, objectif de nos troupes, était situé à une dizaine de kilomètres environ ; le général reconnut admirablement la position, dont il prit un croquis détaillé. Les pièces d’artillerie transpor-