Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

canons de 4, 8 ou 12, qui dataient d’avant la guerre, et qui se chargeaient par la bouche. Peu à peu, de Reffye remit de l’ordre dans ce chaos. Aux affûts en bois, trop lourds, peu mobiles et difficiles à réparer, quand ils étaient brisés, il substitue des affûts en fer. Les pièces de 7, qui avaient été fabriquées trop à la hâte, et qui étaient réellement défectueuses, reçurent un frettage, qui permit de les employer. Enfin, de Reffye fabriqua, pour les batteries à cheval, un canon de 5, d’un système analogue au canon de 7, mais plus léger.

Le général de Reffye est mort à Versailles, le 3 décembre 1880.

Entré à l’École polytechnique en 1839, il fut nommé chef d’escadron d’artillerie en 1867, après quatorze ans de grade de capitaine.

Il s’occupait avec beaucoup d’ardeur de métallurgie. Un jour, le général Favé le présente à l’Empereur, qui lui donne l’autorisation de faire exécuter, en secret, aux frais de l’État, une pièce d’artillerie absolument nouvelle. Les premières expériences eurent lieu, toujours en secret, devant le comité d’artillerie, puis devant l’Empereur : la mitrailleuse était inventée.

Ce nouvel engin de guerre introduisait un principe tout nouveau dans l’artillerie. Jusque-là on ne pouvait lancer la mitraille qu’à 300 ou 400 mètres, et la nouvelle portée du fusil rayé la rendait vaine. De Reffye inventait un canon qui projetait les balles à 2 000 mètres, et il rendait très juste le tir de cette mitraille. Il pouvait, presque instantanément, envoyer à la fois, à l’aide d’une simple manivelle, vingt-cinq balles, ou les lancer par saccades.

On a dit que les mitrailleuses n’ont pas rendu tous les services qu’on en attendait. Mais a-t’on oublié la bataille de Gravelotte, où les Allemands étaient fauchés par centaines, sous les coups de cet instrument meurtrier ? Tout ce que l’on peut prétendre, c’est que la mitrailleuse étant maintenant connue et employée dans les armées de tous les pays, n’a plus rien qui constitue un avantage particulier à une seule nation ; mais cela n’enlève rien à la valeur de cet engin de guerre, considéré en lui-même et dans les applications judicieuses que peut en faire un bon général.

Le canon de 4, que nous avons décrit dans les Merveilles de la science, avait fait merveille dans la campagne d’Italie, à cause de la rayure, disposition alors toute nouvelle et inconnue aux autres nations. Ce canon ne conserva pas sa supériorité en 1870, pendant la guerre franco-allemande. C’est alors que de Reffye inventa le canon de 7, qui, d’un avis unanime, est l’égal du canon prussien.

Le mauvais destin qui nous poursuivait dans cette guerre fatale voulut que le canon de Reffye ne fût pas encore adopté. On reconnut pourtant ses avantages, et pendant l’investissement de Paris, le canon de Reffye de 7 fut fabriqué en grande quantité. De Reffye, envoyé à Indret, par le gouvernement de la Défense nationale, confia son secret au colonel Potier, qui dirigea, pendant le siège, à l’établissement Cail, la fonderie de ses canons. Tous les Parisiens présents au siège se souviennent de ces formidables pièces.

Nous représentons dans la figure 131, une batterie d’artillerie servie, aux remparts, par la garde nationale, et qui se composait d’un canon de 7, se chargeant par la bouche, et d’une grosse pièce d’artillerie de forteresse, se chargeant par la culasse, que l’on avait eu le temps de faire entrer dans Paris.

À Nantes ou plutôt à Indret, de Reffye dirigeait la fabrication de ses canons, qui devaient reconstituer notre artillerie perdue. Dans l’espace d’un mois plus de 300 mitrailleuses et près de 400 canons de 7 furent envoyés à l’armée de la Défense nationale.

À la conclusion de la paix, le lieutenant-colonel De Reffye fut nommé commandeur