Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/328

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de flotter entre deux eaux. La torpille était fixée à un poids de 60 livres, P, retenu à la place voulue par une ancre R. On disposait le câble et l’ancre de telle façon que l’extrémité supérieure de la torpille fût à 8 ou 10 mètres au-dessous de la surface de la mer. À son extrémité supérieure, la torpille était pourvue d’une capsule en cuivre contenant t’amorce, et d’un levier O. Il suffisait qu’un bâtiment heurtât ce levier, pour que l’amorce prît feu et que la torpille éclatât.

Le ministre de la marine française (c’était l’amiral Decrès) ne fit pas bon accueil à la découverte de Fulton, et Bonaparte, après en avoir fait exécuter l’essai dans le port de Brest, repoussa avec énergie l’invention de l’ingénieur américain, comme tout à fait inapplicable.

Fulton passa alors en Angleterre, et proposa ses fourneaux submergés à l’Amirauté. Mais il ne fut pas plus heureux en Angleterre qu’en France, bien qu’il eût détruit, avec une charge de 200 livres de poudre, le vieux brick Dorothée. On lui faisait, non sans raison, une double objection. D’abord les amorces étaient fort imparfaites ; ensuite, pour qu’un bâtiment fût détruit, ou tout au moins atteint, il fallait qu’il vînt heurter la torpille. Mais un navire neutre ou ami, un bâtiment de commerce, pouvait, dans l’obscurité, venir heurter la torpille, et être victime de l’explosion.

Cette objection était sans réplique. L’électricité peut seule fournir le moyen, comme on le fait de nos jours, d’enflammer à distance une mine sous-marine.

La torpille rudimentaire imaginée par Fulton était automatique, puisqu’elle détonait sous l’influence d’un choc. Mais comme ce choc est par trop livré au hasard, on n’a jamais songé sérieusement, en Europe, ni en Amérique, à faire usage des fourneaux submergés de Fulton. C’est tout au plus si les Chinois y ont eu recours, en 1886, pour fermer la rivière Min à l’escadre de l’amiral Courbet.

Le courant électrique est donc le seul moyen usité aujourd’hui pour enflammer les torpilles, et l’on distingue les torpilles électriques à simple interruption et les torpilles électriques à double interruption de courant.

Supposez (fig. 264) une torpille placée en A, et reliée par deux fils conducteurs, avec deux postes d’observation, B et C. Les observateurs de ces deux postes sont munis d’une planchette, sur laquelle est indiquée fort exactement la situation des torpilles fixes.

Sur la planchette se trouve une lunette portée par un pivot, muni d’une aiguille de cadran. Cette aiguille est perpendiculaire à la direction de la lunette. Tout autour du pivot, et disposés comme les heures sur le cadran d’une montre, se trouvent les points d’attache, 1, 2, 3, etc., des fils conducteurs du courant électrique allant aux diverses torpilles placées sous l’eau au loin dans la mer. Les fils 1 de chaque appareil vont à la même torpille. De même pour les fils 2.

Sur la table de chaque poste d’observation, se trouvent, en n, n, deux petits appareils à levier mobile, qui servent, à l’aide d’un fil m, à établir le circuit électrique entre les deux postes B et C, au gré de chacun des observateurs.

C’est là le point intéressant du système, car c’est la possibilité de ne rendre la torpille inflammable que lorsque le navire qui passera au-dessus d’elle sera un navire ennemi.

Au moment où, dans la lunette avec laquelle ils observent les déplacements du navire ennemi, nos deux observateurs verront à la fois, tous les deux, le navire suivant la direction de la torpille, A, ils pourront en conclure que le navire passe au-dessus de la torpille. Ils n’auront alors qu’à fermer le circuit électrique A, B, C, en abaissant les leviers n, n, et le courant électrique, qui passera aussitôt, mettra le feu à la torpille.