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1889, les Italiens ont donné aux équipages des navires torpilleurs l’occasion de montrer le rôle qu’ils auront à jouer dans la guerre future. Le programme des exercices de leur flottille, arrêté par l’amiral Acton, était divisé en trois parties. D’abord, exploration et reconnaissance détaillée de la côte ; — puis, lancement de torpilles, de jour et de nuit, afin d’habituer le personnel à se servir de ces engins, et à les manier avec habileté ; — enfin, usage tactique des torpilleurs.

L’amiral Acton résumait ainsi les expériences dont il avait été le témoin :

« Le facteur principal du succès consiste, pour les torpilleurs, dans la valeur et la compétence technique du personnel appelé à les commander. »

Sans doute, il est très difficile d’apprécier, en temps de paix, la valeur comparée d’un cuirassé et d’un torpilleur dans une campagne navale. Tout ce que l’on peut faire c’est interroger l’histoire des combats auxquels ils ont pu prendre part jusqu’ici, et d’en tirer une conclusion motivée. Nous consacrerons la fin de ce chapitre à cette revue, aussi intéressante qu’instructive.

Pendant la guerre des Chiliens et des Péruviens, commencée en 1877, et qui dura deux ans, les torpilleurs jouèrent un rôle prépondérant. Les Chiliens se servirent, les premiers, de torpilles et de torpilleurs. Nous avons représenté au début de cette Notice (page 292, fig. 251) la première bataille navale entre le Huascar et le Chochrane. Les Péruviens ne tardèrent pas à prendre leur revanche. Le 25 mai 1880, le torpilleur péruvien, Independencia, envoyait dans les flancs du torpilleur chilien, Janique, une torpille chargée de 100 livres de poudre, qui coula très rapidement le torpilleur chilien.

Pendant la guerre des Turcs contre les Russes, en 1877-1878, les deux adversaires firent usage, chacun de son côté, de plusieurs espèces de torpilles fixes, remorquées, projetées et automobiles.

Dans la nuit du 12 au 13 mai 1877, les Russes firent, dans la mer Noire, leurs premières démonstrations torpopédiques contre les Turcs. Le cuirassé Konstantin, quittant le port de Sébastopol, arriva dans la rade de Batoum, où mouillaient plusieurs navires turcs, et il mit à la mer quatre chaloupes, à marche rapide, portant des torpilles. Les quatre chaloupes ne purent garder leur ordre convenu, et l’une d’elles, la Tcheina, entrant la première dans la rade de Batoum, se mit à attaquer la flotte turque, sans attendre les autres embarcations. Elle s’en prit à un grand navire à vapeur à roues, et lui posa la torpille sous la poupe. Mais les fils électriques, communiquant avec la torpille, s’embarrassèrent dans l’hélice de la chaloupe, et l’explosion n’eut pas lieu. Le navire turc ayant donné l’alarme à la flotte, les quatre chaloupes furent forcées de prendre le large, et de rejoindre le Konstantin.

Les Russes obtinrent un succès complet dans une seconde agression, qui eut lieu dans la nuit du 25 au 26 mai 1877.

Dans le Danube, non loin de la ville de Matchin, mouillaient plusieurs navires turcs ; deux monitors à tourelles, le Fetl-oul-Islam et le Douba-Seïfi, montés chacun par un équipage de soixante hommes, escortés du navire à vapeur, le Kilidj-Ali.

Pour attaquer ces trois navires, la flotte russe n’avait que quatre chaloupes à vapeur : le Cesarewitch, avec quatorze hommes d’équipage, commandés par le lieutenant Dubasoff ; la Xenia, avec neuf hommes d’équipage, sous les ordres du lieutenant Shestakoff ; le Djigit, monté par huit hommes et le lieutenant Persine, et le Cesarewna, avec neuf hommes et l’aspirant Bail. Ces quatre chaloupes allaient, sans autre appui qu’elles-mêmes, essayer de détruire les grands monitors turcs.