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furent mises à jour, à la même époque et tout le pays devint le théâtre d’une véritable inondation d’huile minérale, dont on avait peine à contenir les torrents.

Des sociétés se sont formées, en Russie, pour exploiter régulièrement ces richesses nouvelles. Des conduites de fonte, semblables à celles d’Amérique, ont été posées, pour amener le naphte de Kouba au port de Noworodisk, sur la mer Noire.

Pendant que le pétrole de la mer Noire apparaissait au jour, celui de la mer Caspienne, c’est-à-dire le pétrole de Bakou, jaillissait par de nouveaux forages, produisant des débits prodigieux ; de sorte que les régions de cette partie de la Russie méridionale devinrent le siège d’un véritable déluge d’huile minérale, que l’on ne savait comment recueillir, et dont la plus grande partie se perdait dans les rivières et les lacs de la région de Bakou.

C’est ainsi qu’en 1882 une fontaine jaillissant subitement, près de Bakou, donna une gerbe de 10 mètres de hauteur, égalant les plus puissantes de l’Amérique. Cette fontaine jaillissante n’était pas, d’ailleurs, un phénomène accidenter et passager, car, en 1884, lorsque M. Arthur Arnold, membre du Parlement d’Angleterre, visita Bakou, le jet n’avait rien perdu de sa puissance.

En 1887, un heureux coup de sonde faisait émerger, à Bakou, un torrent d’huile minérale, fournissant 5 000 hectolitres par heure, et qui s’élançait à une hauteur supérieure à celle de la colonne Vendôme, à Paris. À ce jet formidable, le vent arrachait du sable, imprégné d’huile, qui allait recouvrir les maisons de Bakou, quoique la ville soit située à près de 5 kilomètres de la source. Il fut impossible d’arrêter cette rivière minérale, dont le courant augmenta pendant huit jours, et qui, après avoir donné jusqu’à 110 000 hectolitres d’huile par jour, diminua jusqu’à 10 000. On estime à 500 000 le nombre d’hectolitres d’huile qui furent perdus, faute de réservoirs.

Depuis cette époque, les sources de naphte, tant à Bakou que sur les bords de la Mer Noire, se sont tellement multipliées, que l’on a fini par ne savoir qu’en faire. Heureusement, le chemin de fer, de la longueur de 885 kilomètres, ouvert de Bakou à Batoum, en 1882, a permis de commencer les expéditions de pétrole brut sur la mer Noire ; et en même temps, les propriétaires ont pris les mesures nécessaires pour exploiter régulièrement le produit. Une flotte traverse aujourd’hui la mer Noire et la Méditerranée, pour transporter le pétrole brut en Europe, où il fait une concurrence avantageuse aux pétroles d’Amérique.

L’exploitation du pétrole asiatique a pris aujourd’hui une importance considérable. On en jugera par les chiffres suivants :

  Pétrole ou naphte
par pouds de 16 kilogrammes.
Années. Production. Exportation.
1884 89 000 000 54 685 429
1885 115 000 000 68 601 310
1886 128 000 000 72 849 104
1887 131 000 000 79 495 123
1888 165 000 000 117 821 020

Il va sans dire que les industriels russes de Bakou ou de Kouba procèdent à l’exploitation des sources de naphte en se servant des mêmes procédés et appareils dont l’expérience a consacré les avantages en Amérique.

Le derrick de Pensylvanie a été transporté, sans aucun changement, aux bords de la Kouba et à Bakou. Le forage des puits s’opère de la même façon.

Nous représentons dans les figures 383 et 384, d’après des photographies, le derrick de Bakou. On voit dans la première gravure, la descente de la sonde dans le trou du forage, et dans la seconde, la machine à vapeur horizontale qui actionne l’arbre autour duquel la chaîne s’enroule, pour faire