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servation dangereuse ; mais on pourrait prendre des dispositions spéciales pour éviter tout accident, et alors on obtiendrait des résultats du plus grand intérêt.

Je voudrais encore recommander l’institution d’un service de photographies météorologiques. Une belle série de photographies nous donnerait les formes, les mouvements, les modifications qu’éprouvent les nuages et les accidents de l’atmosphère, depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher.

Enfin je pourrais signaler aussi d’intéressantes observations d’astronomie physique, et en particulier l’étude du spectre tellurique, qui se ferait là dans des conditions exceptionnelles.

Ainsi la tour sera utile à la science ; ce n’est de sa part que de la reconnaissance, car sans la science jamais elle n’aurait pu être élevée.

En ce qui touche les observations astronomiques proprement dites, la pureté de l’air à cette grande hauteur et l’absence des brumes basses qui recouvrent le plus souvent l’horizon de Paris permettront de faire un grand nombre d’observations d’astronomie physique, souvent impossibles sous le ciel de Paris.

La tour du Champ de Mars sera, en outre, un observatoire météorologique merveilleux, dans lequel on pourra étudier utilement, au point de vue de l’hygiène et de la physique, la direction et la violence des courants atmosphériques, l’état et la composition chimique de l’atmosphère, son électrisation, son hygrométrie, la variation de température à diverses hauteurs, l’étude de la polarisation atmosphérique, etc.

Un astronome attaché à l’observatoire de Paris, M. Pierre Puiseux, a écrit ce qui suit, à propos des services que la tour Eiffel rendra aux astronomes :

Il est hors de doute que la tour pourra recevoir des applications utiles aux études astronomiques. La mobilité de la plate-forme sous l’influence du vent exclut sans doute les observations qui ont pour but de fixer la position précise des astres, mais elle laisse le champ libre à la plupart des recherches d’astronomie physique. Des spectroscopes destinés à analyser la lumière du soleil et des étoiles, à constater les mouvements propres des astres par le déplacement des raies, fonctionneraient mieux à 300 mètres de hauteur qu’au niveau du sol. L’élimination des poussières et des brumes locales permettrait de suivre le soleil plus près de l’horizon. De là un sérieux avantage pour l’étude des raies telluriques dues à l’absorption de la lumière solaire par l’atmosphère.

Un appareil à photographie lunaire ou solaire serait aussi d’un bon usage ; son emploi serait surtout indiqué dans le cas de passages de Mercure ou d’éclipses s’effectuant près de l’horizon. Les photographies d’étoiles ou de nébuleuses, exigeant une pose appréciable, seraient plus exposées à être contrariées par le vent et devraient être réservées pour les nuits calmes. Il faut faire attention cependant qu’une translation latérale de l’instrument n’a pas d’influence nuisible ; l’essentiel est que l’axe optique reste parallèle à lui-même. Il semble difficile de décider avant l’expérience si les mouvements causés par le vent seront bien de cette nature. En tout cas, les aspects physiques de la lune, des planètes, des nébuleuses, pourront être étudiés et dessinés dans des conditions favorables.

Un chercheur ou un télescope de grande ouverture, installé au sommet de la tour, permettra de suivre les astres qui n’atteindraient qu’une faible hauteur sur l’horizon de Paris. Ces observations ne sauraient rivaliser d’exactitude avec celles des observatoires fixes, mais elles pourraient être effectuées dans des cas où celles-ci deviennent impossibles. Or, on sait que, pour les astres nouvellement découverts, il est important d’obtenir le plus tôt possible des mesures même approchées.

Une étude également intéressante pour la météorologie et l’astronomie sera celle de la variation de la température avec l’altitude. Toutes les théories de la réfraction données jusqu’à présent reposent sur des hypothèses gratuites et souvent démenties par l’expérience. »

En ce qui concerne la physique du globe, on disposera, pour la première fois, d’un poste aérien d’observation parfaitement fixe, ce qui est autrement avantageux que la nacelle d’un ballon, toujours secouée par les vents, dans une ascension. Il est évident que l’on pourra poursuivre ainsi, par tous les temps, des travaux depuis longtemps commencés sur la loi de la chute des corps, la résistance de l’air à différentes vitesses, les lois de l’élasticité, de la compression des gaz ou des vapeurs, etc. On pourra mesurer directement les épaisseurs d’une atmosphère de mercure dans les pressions très élevées, au lieu de les évaluer par le calcul, comme on a été forcé de le faire jusqu’ici.

Quant à la météorologie, on étudiera la direction du vent et la force des courants atmosphériques, la décroissance de la densité de l’air, son état d’hygrométrie, l’élec-