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Du Moncel s’approcha donc de la boîte parlante, et dit, d’une voix très forte :

L’Académie remercie M. Edison de son intéressante communication.

L’instrument répéta les paroles de Th. Du Moncel.

Académiciens et public, tout le monde était interdit, tant cette découverte était merveilleuse et imprévue.

L’étonnement qui se manifesta, au sein de l’Académie, eut un résultat extraordinaire, et auquel on était loin de s’attendre. Un savant illustre, le docteur Bouillaud, ne pouvait en croire ses oreilles. Il soupçonnait quelque supercherie, quelque mystification ; car le soupçon de supercherie est encore le grand cheval de bataille de bien des savants, en présence d’un phénomène qui dépasse les données ordinaires et les faits habituels. Bouillaud, sceptique par essence, flairait donc une supercherie, de la part de Th. Du Moncel. À peine ce dernier avait-il terminé sa communication, que Bouillaud quittait sa place, pour aller examiner de près la personne de son savant confrère, et reconnaître s’il ne cachait point dans sa bouche quelque pratique de polichinelle, qui aurait produit les sons entendus. N’ayant pu rien découvrir de ce genre sur Th. Du Moncel, notre enragé sceptique songea à un effet de ventriloquie.

La salle des séances de l’Académie française est attenante à celle de l’Académie des sciences ; Bouillaud s’empressa de pénétrer dans la salle de l’Académie française, pour s’assurer qu’il n’y avait point, dans cette pièce, quelque individu caché, qui, opérant par la ventriloquie, aurait trompé, par ce fallacieux moyen, la docte assemblée. Mais il n’y avait personne dans cette salle ; la ventriloquie était donc hors de cause.

Bouillaud revint à sa place, nullement convaincu, d’ailleurs, de la sincérité de l’expérience, et croyant toujours à l’existence de quelque compère. Et nous pouvons ajouter que l’estimable docteur a conservé jusqu’à sa mort son doute philosophique, à l’encontre du phonographe, qui ne fut jamais, à ses yeux, qu’une adroite mystification.

Nous avons rapporté cette anecdote pour que nos neveux n’ignorent point quel accueil on réservait encore aux découvertes scientifiques, à la fin du xixe siècle, dans le sanctuaire le plus célèbre et le plus autorisé de la science européenne.

En quoi consiste cependant le merveilleux appareil que M. Edison avait baptisé du nom de phonographe ? quelle est son origine scientifique ? quels sont son mécanisme et ses effets ?

L’inventeur du phonographe est certainement M. Edison ; mais il est juste de mentionner les recherches et les travaux qui avaient été entrepris avant lui dans cette direction, et qui ont facilité sa tâche.

C’est ici qu’il faut enregistrer les curieux travaux d’un homme patient et modeste, Léon Scott de Martinville.

Simple typographe et correcteur d’imprimerie, Léon Scott de Martinville consacra dix années de sa vie à la poursuite du problème : La parole s’inscrivant elle-même, et il atteignit parfaitement son but, par l’invention de son phonautographe, appareil connu de tous les physiciens, car il a été souvent mis en expérience dans les cours de physique et dans les conférences.

Dès l’année 1856, Léon Scott avait combiné l’instrument qu’il nommait phonautographe. Le premier, il avait imaginé d’inscrire les vibrations de la voix humaine au moyen d’un style métallique se promenant sur une surface de papier revêtue de noir de fumée.

Le phonautographe de Léon Scott, tel qu’on le construit aujourd’hui, se compose comme le représente la figure 466 (page 632) d’une caisse en bois, en forme de pyramide