Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/635

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tronquée, ouverte à sa base, et revêtue, à l’intérieur, d’une épaisse couche de plâtre, destinée à empêcher les vibrations des parois de la caisse. On parle devant la grande face de la pyramide B. Le sommet de cette pyramide est fermé par un tympan A, en forme de tambour, et dont les membranes sont composées de trois tuniques, deux en caoutchouc et une tunique centrale en baudruche. Les deux membranes sont tendues par un petit appareil en ivoire, destiné à jouer le même rôle que la chaîne des osselets dans l’oreille humaine, et qui augmente de beaucoup la sensibilité du tympan. On voit la coupe de ce petit appareil dans la partie supérieure de la figure 466. Lorsqu’on chante dans le conduit EG, les vibrations de la voix sont transmises au style FC, qui les écrit en blanc sur un cylindre tournant, recouvert d’une feuille de papier, sur laquelle on a déposé au préalable une couche de noir de fumée.

L’appareil de Léon Scott inscrit les vibrations sonores. Le phonographe a fait un pas de plus, puisqu’il commence par inscrire les vibrations du son, et que par un complément inattendu de la première opération, il répète les sons inscrits sur une surface plane, métallique ou autre, ce que ne peut faire le phonautographe.

Le phonographe d’Edison n’est donc pas sans liens de parenté avec le phonautographe de Léon Scott. Si celui-ci n’est pas le fils de celui-là, on peut dire qu’il existe entre eux une filiation très évidente.

Pauvre Léon Scott ! que de travaux, de peines, de dépenses, difficilement réalisées, t’a inspiré cette découverte, qui fut la préoccupation et la passion de ta vie ! En vain tu essayas de convaincre les corps savants de l’importance et de la réalité du phénomène de la parole s’inscrivant elle-même. En ce siècle d’inventeurs presque toujours bien accueillis partout, tu ne trouvas, toi, que froideur, découragement et dédain. Tu fus empêché par la mauvaise fortune, de poursuivre tes recherches, et tu ne recueillis point le juste fruit de tes longs efforts. Tu n’as pu voir tes droits de créateur et d’inventeur reconnus et proclamés comme ils le sont aujourd’hui.

J’ai connu Léon Scott, qui était correcteur à l’imprimerie Martinet, rue Mignon. Je le voyais journellement, en 1858 et 1860, quand je faisais paraître, chez Victor Masson, mes premiers ouvrages de vulgarisation scientifique. Partant de l’expérience d’un physicien anglais, Young, qui était parvenu à faire tracer sur un cylindre métallique, les vibrations d’une tige de métal, et des expériences de Duhamel et de Wertheim, qui avaient inscrit par le même moyen les vibrations des cordes et de diapasons, Léon Scott avait merveilleusement réussi à faire inscrire par une pointe vibrante, les sons de la parole et du chant, sur une feuille de papier, préalablement recouverte de noir de fumée, et se déroulant d’un mouvement uniforme.

Je dois reconnaître, toutefois, que tout le monde, à l’imprimerie et chez les éditeurs, regrettait la passion de recherches et d’expériences qui consumait le pauvre typographe, et épuisait ses forces, comme ses ressources. On ne voyait en lui qu’une sorte de Balthazar Claës, ou de Nicolas Flamel, à la poursuite de l’absolu ou de la pierre philosophale ; de sorte que chacun l’engageait, charitablement, à s’occuper de sa profession, et non de physique.

On se trompait, puisqu’il était sur la voie d’une des plus grandes découvertes de notre siècle. Si, au lieu d’être un simple ouvrier, vivant du produit de sa journée, il eut fait partie d’un corps universitaire, on ne peut mettre en doute qu’ayant les moyens de pousser plus loin ses recherches, il n’eût réalisé la découverte qui devait illustrer Edison.

L’histoire des inventions qui ont marqué leur place dans le développement et les