Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/641

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le typographe de l’Imprimerie Martinet n’était pas sans rencontrer des sympathies actives, de la part des personnes qui s’intéressaient au progrès scientifique. En ce qui me concerne, je m’efforçai de répandre la connaissance de son appareil, et dans ce but, je publiai dans l’Année scientifique de 1858 (3e année} un article assez étendu, exposant les bases et procédés inventés par Léon Scott, pour inscrire les vibrations sonores.

Voici cet article de l’Année scientifique :

« M. Léon Scott, enfant de la presse, puisqu’il remplit depuis vingt ans les fonctions de correcteur d’imprimerie, a observé des faits neufs et originaux, relativement à la manière de fixer graphiquement, sur une surface plane, les vibrations des corps en état de sonorité.

« M. Léon Scott croit être sur la voie qui mène à la solution de ce grand problème : la parole s’écrivant elle-même. Mais, avant tout, il importe de bien s’entendre sur les termes de ce problème, et sur les limites dans lesquelles l’auteur le renferme.

« Malgré les travaux persévérants de plusieurs générations d’expérimentateurs et de théoriciens, nous ne savons encore aujourd’hui que fort peu de chose sur le mécanisme de la voix, sur les conditions acoustiques de la parole. Qu’est-ce, en effet, par exemple, que le timbre des instruments ou des voix ? Qu’est-ce, dans le fluide sonore, que l’articulation ? Nul ne saurait en ce moment résoudre ces questions d’une manière expérimentale. Fait étrange ! la constitution première de toutes les langues, leurs harmonies particulières, pivotent sur le phénomène phonétique, et dans beaucoup de ses parties, le phénomène phonétique nous est encore inconnu.

« On ne saurait pourtant imputer, sans injustice, cette lacune dans nos connaissances à la timidité des efforts de nos contemporains ou de nos devanciers. Leurs acquisitions en acoustique ont coûté des peines infinies, et méritent toute notre reconnaissance. On est parvenu à compter, à mesurer des mouvements si rapides et si mystérieux, que le témoignage de nos sens est impuissant à nous les faire saisir. Mais le progrès des sciences physiques languit faute d’un instrument qui permette de voir, d’observer les conditions, les phases successives des phénomènes naturels. Sans l’invention des instruments d’optique, par exemple, l’astronomie serait encore dans les langes du berceau.

« L’instrument qui doit servir à l’observation des phénomènes phonétiques, M. Scott espère l’avoir trouvé. Il pense que l’on peut contraindre la nature à constituer elle-même une langue générale écrite de tous les sons.

« On comprend, au seul énoncé de ce problème, les immenses et décourageantes difficultés qui l’environnent. Qu’est-ce, en effet, que la voix ? Un mouvement périodique de l’air provoqué par le jeu de nos organes. Mais ce mouvement est très complexe et infiniment délicat. Sa délicatesse est telle que quand on parle dans une chambre sombre, éclairée seulement par un rayon de soleil, les plus fines poussières en suspension dans l’atmosphère, et qui sont visibles dans l’espace lumineux, n’en sont pas agitées d’une manière sensible. D’un autre côté, ce mouvement si subtil est extrêmement rapide, puisque dans le seul intervalle d’une seconde, sept cents à huit cents vibrations sonores s’accomplissent, pour produire un son d’une hauteur peu élevée.

« Comment pouvoir recueillir une trace nette et précise d’un tel mouvement, qui serait incapable de faire frémir un cil de notre paupière ?

« Si l’on pouvait poser sur cet air qui produit les sons, par ses vibrations rapides, une plume, un style, cette plume, ce style formerait une trace sur une couche fluide