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pouser. Encore une fois je te répète : « Ne marie jamais une femme que tu n’aimes pas. »

— Et cette jeune fille, c’était Marie Lavoise, la mère de Laure, s’exclama Alexandre.

— Oui, pour ton malheur, mais laisse-moi dire. Ses parents ont très bien fait les choses, elle s’est présentée chez moi tout aussi bien que l’autre aurait pu le faire. Rien n’avait été épargné : dans mon orgueil j’étais fier. Je me suis efforcé de l’aimer, mais n’oublie pas que j’aimais ailleurs. Ce fut son malheur et le mien. Si j’avais su. La chose m’a toujours été impossible. Les premiers temps de notre union, j’ai été bon pour elle, d’un commerce agréable. Je me suis même efforcé de lui prouver de l’affection, elle m’aimait si véritablement, si passionnément. À la longue, je serais peut-être parvenu à l’aimer. Le diable s’est mis de la partie. Un mois après notre mariage, le père de l’autre mourait. De ce jour, je ne me rappelle plus avoir fait le moindre effort pour lui faire la vie facile. De la voir dans ma maison, que j’avais préparée pour l’autre, de la voir près de moi si aimante, si docilement soumise, je lui en voulais bien injustement, d’avoir pris la place de la première élue de mon cœur, de la seule aimée. De cette date, je ne lui ménageai plus les scènes pénibles. Je dois lui rendre justice, elle faisait plus que sa part, évitant avec soin tout ce qui pouvait me mettre en colère. Elle était très pieuse, élevée dans des principes de soumission, elle supportait mes éclats avec patience, espérant vaincre ainsi ma dureté. Elle y serait parvenue aus-