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ne femme entre toi et moi, ne reviens jamais avec cette idée de payse, que ce soit là une nouvelle condition de notre pacte à deux.

Ils étaient descendus du tramway et longeaient une rue étroite ; quelques minutes plus tard, ils s’arrêtaient devant la maison de simple apparence, qui cachait la vie laborieuse et dévouée de Lucille Prévoust.

Elle tendit la main :

— Sans rancune, Alexandre. À quand notre prochaine sortie ?

— Je n’en sais rien, répondit le jeune homme, en pressant sans chaleur la main qui lui était tendue. Il revoyait par la pensée les petits doigts fuselés.

La porte se referma, la simple maison bourgeoise avait repris Lucille Prévoust.

Alexandre refit à pied le trajet assez long qui devait le conduire à sa chambre. Il dormit peu et d’un sommeil très agité.

Le lendemain au réveil, il prit la résolution de ne plus retourner dans ce magasin, dont l’une des employées rompait ainsi son équilibre moral. Que pouvait-il en attendre de cette jeune fille trop belle, si exposée ; dans quelques mois, elle serait une aventurière. Elle ferait tourner autour d’elle une foule d’admirateurs aussi épris que lui, et se rirait probablement de tous. Le fils de n’importe quel gros bonnet de Montréal, serait capable de lui offrir sa vie et sa fortune. De quoi pouvait-elle douter avec cette figure ?