amusé. Autrefois, il lui arrivait songeur, taciturne, mais elle parvenait vite à le dérider ; ce soir, tous ses efforts avaient été vains, elle était dépitée et n’avait pas su plus longtemps retenir cette parole méchante.
Les premiers mots de la jeune fille l’avaient piqué au vif, tant ils étaient vrais au fond. Il comprit qu’elle l’aimait vraiment pour le deviner ainsi, mais il voulut la raisonner ; pourquoi la faire inutilement souffrir, pourquoi ne pas lui exposer la raison qui le fait si distrait, il n’y a rien de brisé entre eux, et il ne voudrait pas perdre sa seule et chère amie pour un fantôme insaisissable. Sa voix se fit donc très douce pour dire :
— Tu te fais illusion, tu le sais, Lucille, je t’ai choisie entre mille et mille de ces filles dévergondées ou légères que je croise chaque jour, parce que tu es sérieuse, bonne, que tu es chrétienne, que tu as mes principes et sur bien des points, mes manières de voir. Je ne te parle jamais d’amour, mais tu le sais aussi, c’est un accord passé entre nous depuis les premières semaines de notre connaissance, de nos relations. Je ne suis pas prêt à me marier, nous nous faisons réciproquement la vie plus belle. Je m’excuse de ma conduite de ce soir, je suis vraiment impardonnable. J’ai voulu t’avoir près de moi afin que tu m’aides, par ta présence, à chasser une jolie figure qui m’a frappé et que je ne puis arriver à sortir de mon imagination : c’est une véritable obsession. N’es-tu pas flattée de cette nouvelle preuve de confiance ! Comprends bien qu’il n’y a aucu-