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à la maison, Alexandre ne peut faire à Lucille l’insulte de refuser de sortir parce que Laure ne veut pas venir. Ils partent donc en tête à tête comme autrefois. Si leur extérieur n’a pas ou presque pas changé, leurs cœurs ne sont plus les mêmes. La première fois, pour éviter d’avoir à causer Alexandre a conduit Lucille au Cinéma. Pendant quelques instants ils ont pu se croire retournés un an en arrière, mais ils n’avaient qu’à échanger un regard pour se replacer dans le présent, et malgré elle, Lucille qui sent confusément toutes ces nuances se préciser sur le visage mobile de son compagnon, sent le rouge lui monter au front. Elle s’en veut d’être aussi sottement impressionnable. Ils se séparent un peu embarrassés. Lucille s’efforce de dire d’un ton naturel :

— Bonsoir Alexandre.

Laure restée à sa chambre s’ingénie à confectionner à Lucille de jolies toilettes qui la mettront en valeur. Alexandre sans s’en apercevoir préfère la Lucille du moment, parfois il admire sans arrière pensée une toilette que celle-ci porte et qui la fait presque jolie.

À ce régime de travail toute la journée enfermée au grand magasin à rayons, et de couture le soir dans une petite chambre dont l’air est rare, placée au milieu de ce grand édifice, Laure amincit tous les jours, ses joues se creusent, ses lèvres pâlissent et ce n’est que par hasard, quand une nouvelle la surprend, quand quelque chose l’émeut que Laure voit ses joues se colorer ; puis, tout au fond