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Et Laure promettait :

— Non, jamais, maman.

Et elle pensait non sans souffrance : « si elle savait lire, je lui écrirais tous les jours et saurais la tranquilliser. »

Dans le train qui la ramène vers Saint-Pascal Laure ne se sent pas très sûre d’elle-même. La tâche qu’elle a assumée sera peut-être ardue. Elle a désiré revoir son père et lui dire que cette fois, elle vient envoyée par sa mère, mais elle n’oublie pas non plus que dans cette maison où normalement Marie Lavoise aurait dû être reine et maîtresse, il y a une autre femme qui prendra peut-être plaisir à lui faire de petites misères, en souvenir de son ancienne rivale.

Alexandre Daubourge est venu lui-même l’attendre à la gare. Il conduisait une légère voiture attelée d’un superbe cheval noir. Elle aurait aimé prendre les guides dans ses mains, elle n’osa même pas formuler son caprice. Elle sentait toujours la même gêne entraver tous ses sentiments, elle était une étrangère pour son père. Elle ne trouvait pas un mot à lui dire ; pour passer le temps et oublier cette rencontre avec l’autre femme, rencontre qui lui faisait peur, elle regardait les maisons éloignées du chemin, elle voyait les cultivateurs à l’œuvre. Elle admirait les jardins débordants de fleurs en une quantité telle qu’elle n’en avait jamais vu. Dans son enfance, elle s’imaginait que le jardin du couvent, avec ses maigres plates-bandes, était le paradis terrestre. Elle ne pouvait