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pâleur de son teint. D’une voix mal assurée, Alexandre Daubourge annonce :

— Votre sœur Laure.

Un grand silence se fait, seul le bois dans le poêle gémit sous la caresse de la flamme.

Maintenant, il énumère les noms de ses rejetons.

Laure sent confusément qu’elle ne pourra jamais s’y reconnaître. Pour elle, ce soir, dans cette maison il n’y a plus que deux personnes : son père et Hélène. Quand elle se sentira trop seule, trop dépaysée, elle saura trouver l’un ou l’autre.

D’un grand signe de croix Alexandre Daubourge donne le signal du Bénédicité. Puis, on entend un bruit de chaises sur le parquet de bois franc. Pendant tout ce repas qui lui paraît interminable, Laure ne peut se décider à manger. Elle sent trop qu’on l’examine à la dérobée, elle n’ose même pas lever les yeux.

Tout de suite après le souper, elle fut reconduite à sa chambre. Quel soulagement de se sentir seule. Tous ces regards qu’elle sentait rivés sur elle, ils n’étaient pas malveillants, mais elle ne peut supporter d’être ainsi le point de mire de tous.

Le lendemain matin à la clarté de la lumière du soleil, elle fit l’inventaire de ce que Hélène avait appelé : le grenier. Il y avait pendu à des crochets des vêtements probablement hors d’usage. Dans un coin, il y avait des poches empilées, c’étaient là tous les fantômes qu’elle avait vus hier soir, et qui avaient peuplé ses rêves cette nuit.