Page:Filion - À deux, 1937.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 48 —

longer indéfiniment la durée de leurs fiançailles. Loin de leurs parents, sans surveillance autre que celle exercée sur la jeune fille par le « Foyer », ne devaient-ils pas se marier dans le plus court délai possible. N’était-ce pas l’idée d’Alexandre, qui s’était décidé à faire connaître son nom à sa famille. Depuis quelques mois, il avait travaillé ferme et économisé en vue de cette éventualité. Et maintenant, à la dernière minute allait-il se dérober ? Laure ressassait toutes ces pensées dans sa tête, et bien d’autres aussi, tandis qu’elle mangeait du bout des dents son maigre potage, sa viande et ses légumes.

Enfin, à deux heures, elle était demandée au salon. Toutes ses craintes s’envolèrent, comme un essaim de noirs papillons chassés d’une main légère, tandis qu’Alexandre lui expliquait : « J’ai passé tout droit. » (ce qui voulait dire qu’il ne s’était pas éveillé ) J’ai donc dû me rendre à la messe de onze heures, j’ai regretté, Laure, vous ne savez combien, vous avoir désappointée, avoir manqué cette rencontre. »

Laure sourit amusée à l’idée d’Alexandre, à qui le sommeil avait joué un vilain tour, elle sourit surtout à la pensée que ses noirs pressentiments n’étaient que de vaines chimères. Alexandre n’avait pas eu d’accident. Alexandre n’apportait pas de mauvaises nouvelles.

Comme toutes les personnes trop heureuses et qui ne sont pas habituées de l’être, elle craignait à chaque minute que cette bulle de savon s’échappant de ses mains, n’aille frapper un quelconque corps