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de sorte qu’une bonne causerie intime devint impossible.

Charlie prend congé trouvant sa position passablement ridicule, assis comme il l’était entre deux vieilles dames, bien que l’une d’elles fût la mère de Pierrette.

À peine était-il sorti que la visiteuse s’ingénia par d’habiles questions à pousser Madame des Orties à des confidences. Tant de potins couraient déjà dans le cercle de leurs connaissances. Elle tombait mal, jamais cette femme, absolument bien, n’avait mêlé le public à sa vie ; et pour cause, du reste, elle ne savait rien de ce qui s’était passé entre sa fille et le jeune homme. Avaient-ils recommencé leur roman au point où ils l’avaient laissé quelques mois auparavant ? Mystère. La curieuse en fut pour ses frais.

Cela n’empêcha pas les racontars les plus divers de courir la ville le lendemain ; on se soufflait à l’oreille, entre deux gorgées de thé chaud : Pierrette et son premier fiancé sont à nouveau d’accord, ou bien la petite des Orties en a rabattu, elle s’efforce de reprendre dans ses filets celui qu’elle a jadis dédaigné.

Charlie avait imaginé qu’il serait agréable à Pierrette de rentrer à la maison, le soir, en auto. Il vint à sa rencontre deux jours de suite sans qu’elle ne soufflât mot ; le troisième soir, elle lui signifia de cesser ses assiduités. Qu’en penserait-on au bureau ? Et dans le monde ?

En sautant lestement de voiture, elle lui fit cette remarque :

— Si tu savais tout ce qui se dit sur mon compte, tu comprendrais que je te supplie de ne plus revenir.

Il insista pour connaître les commérages, mais elle répondit :

— Écoute jaser, et tu sauras.

Il aurait voulu lui dire de laisser les langues s’aiguiser et de s’occuper de lui qu’elle faisait souffrir, mais il n’en trouva pas le courage, il s’éloigna désespéré. Il était resté silencieux, ces derniers soirs, croyant que peu à peu elle s’habituerait à nouveau à sa présen-