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ne veut plus le voir. Lui aurait-elle été infidèle ? Impossible, dans ce cas, elle n’aurait pas demandé d’écourter son voyage. De plus, il la connaît si bien, pense-t-il, elle n’aurait pas su le cacher dans ses lettres. Il se perd en conjectures.

Pendant que Charlie se creuse la cervelle pour trouver une explication plausible à la conduite de Pierrette, Madame des Orties, les yeux rivés sur un volume dont elle ne voit même pas les caractères, se demande un peu par quel hasard Pierrette pouvait bien se trouver si nerveuse, tout à coup. Quand elle était partie de la maison, elle était gaie et bien en train, sans la moindre nervosité. L’avait-elle jamais vue autrement que très calme ?

Sur l’oreiller blanc, la petite tête vient de remuer. Les yeux s’entr’ouvrent. Il fait un clair soleil. Pierrette porte son regard vers la croisée et essaie de se lever, elle est incapable du moindre mouvement. Elle ne se rappelle rien. Elle articule :

— Maman !

Elle porte la main à sa tête qui est de plomb. Elle sent un morceau de linge sous ses doigts. Sa mère s’avance près du lit : voyant son enfant les yeux ouverts, elle se penche, et demande en baisant le front moite :

— Te sens-tu mieux, mignonne ?

— Ai-je été malade ? interroge Pierrette, les yeux dilatés.

— Mais non, chérie, tu ne te rappelles plus l’accident d’hier ? Mais ce n’est rien, quelques heures de repos, et tu seras bien portante comme auparavant.

Pierrette passe la main sur son front. Les moindres détails lui reviennent à la mémoire. Charlie descendant du train. Un Charlie qu’elle ne connaissait pas. À quoi cela tenait-il ? depuis des jours, elle l’avait espéré, mais différent, un Charlie avec les traits et les manières de M. de Morais. Elle comprend maintenant, elle n’aime plus Charlie, peut-être ne l’a-t-elle jamais aimé ? Que faire… Que faire…