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Et sa mère se penche davantage jusqu’à effleurer son visage et lui dit :

— Charlie va venir.

Elle guette avec anxiété l’effet que produira l’annonce de cette nouvelle.

Les traits de la jeune fille se décomposent, ses yeux se fixent.

— Non, non, je ne veux pas le voir, s’exclame-t-elle.

Madame des Orties stupéfaite, demande :

— Que s’est-il donc passé de si terrible.

— Rien, rien, maman.

Et Pierrette se prend à sangloter.

La mère ne s’alarme pas. Elle augure bien de ces pleurs. Les larmes séchées, les nerfs seront détendus, et la complète guérison ne saurait tarder.

Épuisée, Pierrette succombe de nouveau au sommeil, malgré toute la joie et la vie qui entrent par la fenêtre ; mais elle divague. Oh ! que ces mots sans suite, ces phrases baroques résonnent lugubrement dans le cœur de la pauvre mère. Elle s’empresse d’appeler le médecin. Il est déjà parti pour ses visites et ne peut tarder à venir.

Dix heures et quart, dix heures et demie. Comme les minutes tintent douloureusement dans la petite chambre, où seule, une mère est le témoin impuissant de la souffrance de son enfant !

Le timbre résonne. La pauvre maman se précipite. C’est Charlie. Un Charlie, les traits tirés, qui n’a pas dormi.

— Comment va-t-elle ? questionne-t-il.

— Jusqu’à ce matin, elle a reposé assez calme. Depuis une heure elle divague, j’ai mandé le médecin. Il est parti faire ses visites, et j’attends. Votre présence me sera un réconfort. Elle le précède dans le boudoir qu’une portière sépare de la chambre de Pierrette. La conversation tombe par phrases hachées. La jeune fille leur coupe la parole chaque fois qu’elle recommence un de ses discours sans suite.