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Tout à coup, ils tendent l’oreille, elle crie :

— Charlie ! Charlie ! Va-t’en ! Va-t’en ! je ne t’aime plus.

La phrase, commencée d’une voix forte, s’achève dans un râle.

Charlie, dissimulé derrière la portière, regarde pétrifié.

Elle jette un coup d’œil circulaire autour de la chambre.

— Il a compris, il est parti, continua-t-elle d’une voix plus faible.

La tête s’agite sur l’oreiller. Les lèvres articulent des mots si bas, si bas, que Charlie ne peut comprendre. Un instant elle reste calme, puis elle recommence à parler.

Enfin, au grand soulagement de Madame des Orties et de Charlie, le docteur est introduit. Il fronce les sourcils. Cette fièvre ! Ce délire ! Se tournant vers la mère dont le visage altéré l’interroge anxieusement :

— Ce ne sera rien. Vous lui ferez prendre ces grains de quinine. Je reviendrai ce soir.

À son tour Charlie se retire.

Je prendrai des nouvelles cet après-midi.

Il voudrait bien interroger Madame des Orties, savoir ce que peuvent signifier ces paroles prononcées quelques minutes auparavant par sa fiancée.

Il hasarde une question :

— Pierrette a-t-elle suffisamment repris connaissance pour vous parler ?

Madame des Orties qui devine le sens caché de cette enquête, et qui ne peut croire à l’irrémédiable, répond aussitôt :

— Elle a reposé toute la nuit. Ce matin, en s’éveillant, elle ne se souvenait de rien, elle m’a demandé : « Ai-je été malade ? » Alors, je lui ai rappelé l’accident, aussitôt elle s’est mise à prononcer des paroles décousues et incohérentes. C’est probablement l’effet de la grande peur dont elle a été ébranlée.