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Pendant une semaine, il tint sa résolution, bien qu’à plusieurs reprises il se fut aperçu, qu’inconsciemment, il prenait le chemin de la rue Sainte-Catherine sans raison. Quand par nécessité, il passait devant l’étalage du grand magasin à rayons, il détournait la tête, afin de se donner le courage de résister à la tentation d’y pénétrer.

Il avait essayé de voir Lucille plus souvent, mais maintenant il la trouvait insignifiante. Il la trouvait trop maigre, trop petite, il se permit de lui faire des remarques :

— Lucille ne pourrais-tu pas avoir une robe blanche ?

C’est la mode, mais la jeune fille dont le budget est très limité, choisit toujours une couleur foncée qui lui donne un plus long service. Ce soir là, elle portait une robe de foulard bleu marine à pois blancs. Réellement cette mise aurait pu convenir à une personne d’un âge plus respectable.

Elle ne répondit pas à cette requête du jeune homme, cependant, quand il la pria de nouveau pour une sortie elle lui dit : « oui », puis elle ouvrit la bouche avec l’intention de lui annoncer l’acquisition de la robe blanche demandée ; elle se ravisa, voulant jouir du plaisir qu’elle procurerait à son ami, elle ajouta donc, pour ne pas rester court : « je mettrai ma robe bleue. »

— Ce que tu voudras, avait répondu la voix masculine à l’autre bout du fil.

Quand il ne la voyait pas, il l’aimait à sa manière à lui : c’est-à-dire qu’il savait rendre hommage à