Page:Filion - À deux, 1937.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 86 —

Montréal, avril 19…

Ma chère Laure,

Après les semaines de bonheur dont nous venons de jouir, il appert que nous aurons à en traverser de plus dures. Je vous devais, bien qu’il me soit très pénible de le faire, de porter à votre connaissance la réponse que je viens de recevoir de mon père, à l’annonce de notre mariage. Tout se ligue contre nous. Nos deux familles se montrent récalcitrantes à notre amour. Il doit y avoir une vieille rancune inassouvie pendant des années, et dont nous avons à souffrir les contre-coups. Ne vous tourmentez pas, nous finirons par vaincre ces oppositions, et notre bonheur retrouvé sera d’autant plus précieux qu’il nous aura coûté plus d’ennuis.

Inutile de vous dire que je suis avec vous par la pensée, au prix de n’importe quel sacrifice personnel, je voudrais vous éviter ces déchirements ? Pauvre amour humain, comme il est impuissant devant certaines circonstances ! Comme j’en sens amèrement la misère, moi qui donnerais tout pour vous savoir heureuse.

Ayez confiance, petite amie.

Votre fiancé devant Dieu et devant les hommes,

Alexandre D.

Cette lecture l’avait mortellement émue, elle sentait sombrer son bonheur, elle avait beau vouloir se persuader qu’Alexandre vaincrait les obstacles, elle ne pouvait y parvenir. L’autre lettre ne pouvait rien lui apprendre de plus, elle se décida pourtant à la parcourir.