Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/309

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se gravent dans l’esprit des hommes en caractères indélébiles. « Ce fut un bonheur pour moi, dit-il, d’apprendre qu’en Haïti, par la liberté et le bien-être, la culture intelligente, la négresse disparaît, sans mélange même. Elle devient la vraie femme noire au nez fin, aux lèvres minces ; mêmes les cheveux se modifient… Là même où elle reste encore négresse et ne peut affiner ses traits, la noire est très belle de corps. Elle a un charme de jeunesse suave que n’eut pasla beauté grecque créée par la gymnastique, et toujours un peu masculinisée. Elle pourrait mépriser non seulement l’odieuse Hermaphrodite, mais la musculeuse beauté de la Vénus accroupie. (Voy. au Jardin des Tuileries). La noire est autrement femme que les fières citoyennes grecques ; elle est essentiellement jeune, de sang, de cœur et de corps, douce d’humilité, enfantine, jamais sûre de plaire, prête à tout faire pour déplaire moins. Nulle exigence pénible ne lasse son obéissance. Inquiète de son visage, elle n’est nullement rassurée par ses formes accomplies de morbidesse touchante et de fraîcheur élastique[1]… »

Dans l’expression un peu maladive de ses idées, le grand historien montre bien avec quelle force battait son le cœur, alors qu’il traçait ces lignes généreuses, si pleines de vie qu’on croirait volontiers y voir frissonner le souffle léger et tiède de la brise tropicale. Haïti, pour la race noire entière, ne l’a pas oublié. Lorsque la France a voulu rendre a l’éminent écrivain, au sympathique philosophe le plus bel hommage qu’une nation puisse rendre à ses grands hommes, en lui érigeant une statue, un Noir haïtien, le Dr Louis-Joseph Janvier, digne de sa race et de la pensée immortelle de Michelet, a salué ce nom que tous les descendants de l’Afrique doivent aimer

  1. Michelet, La femme.