Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/391

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Napata, avait conquis tout le pays qui s’étend de Thèbes aux bouches du Nil ? Et comment se conduit-il en Égypte ? « Le roi éthiopien impose des tributs tant au profit de son trésor royal que pour enrichir les temples d’Amon thébain. Il fait procéder, à Memphis et à Héliopolis, à la célébration de tous les rites usités pour le couronnement des Pharaons, se comportant dans tout le détail, s’il faut en croire le récit de Barkal, non comme un conquérant étranger[1], mais comme un souverain légitime qui ménage ses sujets et se contente de châtier les rebelles[2]. »

  1. Cela ne pourrait-il pas signifier que le monarque éthiopien considérait tout le pays comme appartenant à une seule famille de peuples ? Le véritable nom du Nil est le nom même de l’Égypte. On a longtemps discuté, afin d’arriver à découvrir l’étymologie du mot grec Αἰγύπτυς, et adhuc sub judice lis est. Je crois qu’il ne signifie pas autre chose que « fleuve de Nubie et de Ptah ». — Suivant la forme agglutinative qui domine dans la glottologie africaine, ce serait tout d’abord ; « Hapi-Kub-Ptah ». — En égyptien Hapi signifie le fleuve ; Kub (Kippik ou koub) est le nom de la Nubie ; Ptah ou Phtah, est le nom indigène du Delta. De Hapi, l’orthographe grecque a vite fait Api ; par une espèce de crase ou par corruption, on aura ensuite contracté Api en Α’ι, transformé finalement en la diphtongue Aἰ, soit : Aἰ Kub Ptah. Connaissant la permutation fréquente qui existe entre le ϰ et le γ, muettes de même ordre, c’est-à-dire deux gutturales, on explique facilement Αἰ-γub-Ptah. Cette dernière forme, pour être définitivement grecque, n’a besoin que d’obéir à la règle flexionnelle de l’attraction littérale, qui fait permuter le b de γub en π, par l’influence du π de Πtah ; on éliminerait enfin l’un des π, à cause que trois muettes de même ordre ne peuvent se suivre dans un mot. Cette dernière transformation nous donne Αἰγυπτ-ah. En changeant la terminaison égyptienne ah, qui ne se retrouve pas en grec, en la forme ne qui semble être plus ancienne que ος dans les noms propres de la deuxième déclinaison grecque, on a Αἰγύπτυς, mot où l’esprit doux et l’accent tonique viennent merveilleusement indiquer la contraction de Api en Αἰ et l’élimination du b permuté en π de Kub.

    Cette transformation linguistique me semble très correcte. Elle ne paraît nullement forcée, quand on pense qu’il s’agit du passage d’un mot d’une langue agglutinante dans une langue infléchie. Mais alors le nom même de l’Égypte n’indiquerait-il pas la communauté des deux races de Koub et de Ptah, des Éthiopiens et des Rétous ?

  2. Progrès des études relatives à l’Égypte et à l’Orient, p. 32. Paris, 1867.