Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/481

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était aussi capable que modeste : c’est feu Desravines, ancien juge au tribunal de cassation de la République, dont la vie s’est éteinte dans le silence, après une carrière des mieux remplies.

Je connais personnellement un magistrat noir du plus beau caractère, c’est M. Delord Étienne, président du tribunal civil du Cap-Haïtien. Avocat au barreau de cette dernière ville, où j’ai exercé pendant plus de cinq ans, j’ai pu apprécier, d’une façon directe et positive, la haute intelligence que ce juge déploie dans la solution de toutes les difficultés doctrinales ou jurisprudentielles qui peuvent se présenter dans les débats qu’il préside.

M. Delord Étienne ne se contente pas de ces connaissances pratiques qui suffisent au juge pour s’orienter à travers les controverses et les argumentations des parties. Il travaille à l’égal des avocats eux-mêmes, remuant les principes de droit et discutant les théories avec une aisance étonnante, quand on pense qu’il n’a jamais eu, de maître et qu’il a dû, en travaillant dans la sphère de la philosophie du droit, se heurter à chaque instant contre des notions de métaphysique qu’il faut élucider avant de continuer. Mais aussi est-il constamment à la tâche, sans fatigue ni dégoût, faisant dix fois plus qu’on ne pourrait lui demander, afin d’être sûr de tenir haut et respecté son caractère de magistrat. C’est peut-être une affaire de vocation ; mais elle est fièrement belle, ainsi agissante et fructueuse. Il m’est bien doux de citer ici, comme exemple, cet homme honorable et intelligent, dont les pareils font a eux seuls la gloire et l’espérance de la race à laquelle ils appartiennent. Puissent ces paroles lui arriver comme une faible compensation de tant d’efforts et de noble constance consacrés à une carrière épineuse, où toutes les joies et toutes les satisfactions se concentrent dans le seul témoignage de la conscience !