Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/505

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instruits de la même race ? Assurément, non. Mais alors a-t-on pensé aux effets déprimants qu’a dû produire l’esclavage sur les hommes qu’on examinait dans le but de fixer une mesure à l’intelligence des noirs ?

Je ne veux pas m’abandonner à une sentimentalité exagérée, en renouvelant toutes les complaintes qui ont été faites sur le sort déplorable de l’esclave noir, si inhumainement traité par la cruauté et la rapacité des Européens. « La case de l’oncle Tom » a suffisamment dramatisé ces scènes horribles de la servitude, pour qu’on se contente d’y renvoyer le lecteur, sans disputer à Miss Beecher Stowe le succès consolant qu’elle a eu dans ce genre de littérature qui est un vrai sacerdoce. Mais veut-on avoir une idée plus saisissante de l’influence dépressive de l’esclavage sur l’esprit et le cœur de l’homme ? Qu’on lise alors le livre amèrement sombre mais plein de faits, que Fréderik Douglass a intitulé : Mes années d’esclavage et de liberté ! L’auteur est un homme de couleur d’une intelligence considérable. Si, au lieu de naître esclave, il avait été, dès son enfance, élevé dans les universités de Wespoint ou d’Oxford, il eût sans nul doute obtenu toutes les palmes qui font la réputation des plus savants. Aussi, ses maîtres ayant remarqué en lui ces aptitudes et ces aspirations qui sont des crimes quand elles se montrent dans un esclave, résolurent-ils d’éteindre en son âme l’étincelle sacrée, d’en effacer toute énergie morale, pour ne laisser vivre que la brute, la machine passive dont seule ils avaient besoin. Il y avait des blancs spécialement organisés pour cet éreintement et qui jouaient supérieurement leur rôle de bourreaux. Ils se nommaient les rompeurs de nègres. Douglass fut remis à l’un de ceux-là, portant le nom de Covey. La première correction qu’il en reçut fut sanglante ; quoique tout jeune et faible, il voulut résister, mais c’était déchaîner la fureur du monstre.