Je déplore cette crise émouvante de la religion et compatis au deuil de la chrétienté aux abois. Il faut néanmoins le reconnaître, la foi se meurt. Sans doute, il ne s’agit pas d’une rupture brutale et absolue de tout lien idéal entre l’homme et Dieu. M. Caro pense avec infiniment de raison qu’il y aura, de longtemps et peut-être toujours, des âmes aux aspirations ambitieuses, qui auront besoin de croire à quelque chose au-delà de cette terre, où la matière paraît si vide et chétive en face de l’esprit. Dans cet au-delà, il y aura certainement une place, un point, auguste sanctuaire ! ou le Dieu de nos pères pourra résider tranquille et serein, dans la plénitude de l’être. Mais il sera comme un souverain constitutionnel, acceptant la science pour ministre et la laissant faire à sa responsabilité. De ce jour, sa divinité deviendra inattaquable et il régnera sans effort ; car n’ayant rien à faire, il n’aura à répondre de rien. Qu’on proteste contre ce courant de l’esprit humain ou qu’on se laisse entraîner, il faut bien convenir de son existence et de son intensité. En vérité, il fait de tels ravages et se précipite avec tant d’impétuosité que ses flots semblent devoir s’étendre au loin, après avoir tout renversé sur leur passage.
Eh bien, cette révolution si douloureuse que commencent actuellement les races européennes, dans ce qu’elles ont de plus élevé comme intelligence, et qui rallie à sa cause beaucoup plus d’adhésions qu’on ne suppose, sera faite sans déchirement ni commotion pour la race noire. N’ayant jamais conçu le fanatisme religieux et l’esprit dogmatique, dans les entraves desquels se débat péniblement la race caucasienne, les Noirs se trouvent tout prêts à évoluer vers des conceptions rationnelles et positives, conformes au système de l’univers et de l’ordre moral qui en découle. Dans leur intelligence, il n’y a nullement besoin qu’on détruise des influences héréditaires, réfractaires à tout esprit vrai-