Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/553

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Dans les premiers temps de l’indépendance, les noirs haïtiens, n’ayant aucune culture intellectuelle, n’ont pu manifester des aptitudes supérieures dans les travaux de l’esprit. Jusque vers l’année 1840, toutes les grandes intelligences de la jeune République se trouvaient concentrées parmi les hommes de couleur, beaucoup mieux favorisés par les circonstances. Mais dès cette époque, on vit paraître des hommes noirs d’un esprit fort distingué. On peut citer le général Salomon qui, presque seul, est parvenu, à force de travail, à développer un rare talent d’écrivain. Jean-Baptiste Francisque, victime du régime impérial de 1849 qu’il avait accepté de servir, sans pouvoir s’en accommoder, était aussi d’une intelligence remarquable. Forme correcte, esprit délicat, il a été un des produits hâtifs de la race noire d, Haïti, évoluant vers les belles facultés intellectuelles et morales qui sont la gloire de l’humanité.

Malheureusement, dans cette première floraison de l’intelligence des Noirs, on ne s’occupa que de la littérature. On aima mieux cultiver la forme dans laquelle les idées doivent se présenter que d’étudier le fond même de ces idées. Beaucoup de brillant littéraire et presque pas de science. Louis-Philippe disait de Villemain qu’il faisait ses phrases tout d’abord et cherchait ensuite l’idée qu’on pouvait y mettre. C’est une saillie qui contient plus de finesse que de vérité ; mais il n’est pas moins vrai que les hommes de 1830, en France, sacrifiaient souvent trop à la forme. Imitant donc l’éloquence fleurie avec laquelle les doctrinaires français parlaient de la liberté et des principes, les Haïtiens se mirent a parler admirablement du droit, sans y croire aucunement, sans même s’occuper de ce qui le constitue, ni dans quelles limites il doit s’exercer, ni à quel point il est respectable.

Mais un homme beaucoup mieux organisé, sous ce rap-