Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/567

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rouge et flambait avec des lueurs infernales. Affreuse avait été l’inhumanité des maîtres, terrible était la vengeance de l’esclave. Heureux, alors, mille fois heureux était celui dont la conduite n’avait pas brisé dans l’homme noir courbé sous sa domination jusqu’à la dernière fibre du cœur, pour n’y cultiver que le farouche instinct du mal ! Ce fut le cas de Baillon de Libertas, l’ancien maître de Toussaint-Louverture. Quand l’heure était sonnée et qu’il fallait se joindre aux siens, afin de coopérer à lœuvre sainte de la liberté, il ne voulut rien faire sans s’acquitter auparavant d’une dette de gratitude. « Avant de partir, il fit embarquer son maître et sa maîtresse, chargea le navire de sucre et de café et l’envoya à Baltimore[1]. » Digne action tout aussi remarquable que les plus hauts faits du grand capitaine, mais qui ne fut nullement isolée parmi ces Noirs dont la reconnaissance est une vertu spéciale !

Une fois lancé dans la nouvelle carrière ou il devait cueillir tant de lauriers, pour le plus grand honneur de sa race et la plus belle des causes, il sut déployer une aptitude rare à profiter de tous les événements pour grandir et augmenter son prestige, sans se laisser briser ou diminuer par aucun. Un autre moins habile, moins intelligent, se croirait tout d’abord appelé, par sa supériorité, à réclamer la première place parmi ces hommes dont pas un seul ne le valait ; cependant il se renferma plutôt dans son rôle de médecin, étendant peu à peu son influence, agissant de telle sorte qu’il devint insensiblement, mais sûrement, la voix la plus écoutée. À la fin aucune décision importante ne pouvait être prise sans lui.

Nous ne faisons pas ici de l’histoire. Il est donc inutile de rapporter tous les faits dont l’ensemble montre dans Toussaint-Louverture l’organisation la plus heureuse dont

  1. Wendell Phillips, loco citato.