Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/629

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Tout s’explique ainsi. Victor Hugo restera l’ami de la race noire qui l’aime et qui se rappellera éternellement son indignation généreuse, à la nouvelle de la mort de John Brown. Pourtant, dans son inconscience et son irresponsabilité de poète, nous aura-t-il laissé la preuve la plus éloquente de cette opinion populaire, issue de l’éducation théologique, d’après laquelle toute l’Europe du moyen âge et la majeure partie de l’Europe contemporaine, beaucoup plus ignorante que ne l’avoue l’orgueil caucasique, n’ont jamais pu voir autre chose dans l’homme noir que le diable en personne !

Mais, diront les casuistes, si la légende incontestable qui a fait de l’Éthiopien un être repoussant, méchant et malfaisant, un diable enfin, rend compte de la frayeur et de l’horreur que l’Européen ignorant éprouve à la vue des hommes noirs, comment expliquer l’opinion si généralement répandue de l’infériorité native de ces hommes et de leur subalternité naturelle vis-à-vis des blancs ?

C’est la une question qui se rattache intimement à la précédente. Il est certain que les faits et les croyances, qui en découlent, proviennent des mêmes idées théologiques si persistantes et si influentes sur l’esprit humain. Nous pourrons facilement le constater.

II.

LA LÉGENDE DE CHAM.

En choisissant le facies du noir éthiopien, enlaidi à plaisir, pour figurer l’esprit immonde, selon l’expression de la langue sacrée, les théologiens n’avaient fait que mettre à contribution une des traditions les plus populaires de la Bible, celle d’après laquelle la race noire avait été maudite par Noé dans la personne de Cham. Or Noé, ayant été le plus ancien patriarche, doit être considéré comme