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Page:Fischer - Études sur Flaubert inédit, 1908.djvu/32

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en dehors du sujet, elle est en même temps dans le récit lui-même. De plus on remarque le penchant à rendre précisément les détails, surtout dans les portraits des personnes. Le milieu est rendu souvent assez nettement. Mais toute cette tension qui se rapporte à l’intérêt de l’action faiblit et semble fuir peu à peu, et il ne, reste dans Novembre qui nous représente le point culminant du développement, qu’un fond de lyrisme ; on ne voit pas les choses, on respire seulement leur parfum.

Malgré les efforts de Flaubert, pour atteindre dans la première Éducation et dans Saint Antoine à une fusion de son moi et du sujet, ces deux éléments restent étrangers l’un à l’autre ; c’est ainsi que son moi nous regarde dans un cadre, qu’il se donne dans des réflexions, qu’il fait son portrait dans de longues analyses, qu’il révèle ses sentiments en des devises grandiloquentes et qu’il nous renseigne sur ses intentions par des sous-titres et des préfaces. De là, dualisme entre l’artiste et le sujet. Nous savons avec quelle sévérité Flaubert s’est interdit plus tard de mettre en scène son moi afin d’éviter cet écueil. C’est qu’il avait appris à dégager le sujet de son tempérament et à déverser cette fougue lyrique dans les choses qu’il voulait rendre. Par un long effort gigantesque et douloureux, il arriva ainsi à envelopper et à pénétrer de son lyrisme même les sujets qui lui furent profondément antipathiques. Mais dans les Ouvrages de jeunesse, toute cette grande fougue vibre dans l’espace sans se mêler aux éléments sur lesquels le grand artiste s’abattra plus tard comme un nuage fécondant, comme une rosée, comme une exhalaison mélodieuse de l’âme, en les pénétrant et en leur rendant la vie, tel le Dieu panthéiste à la création.