Page:Fléchier - Les grands jours d'Auvergne en 1665, 1856.djvu/21

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INTRODUCTION. IX

l'élève de Fléchier [1]. Ayant perdu sa première femme en 1654, M. de Caumartin, resté veuf pendant dix ans, épousa en 1664, en secondes noces, Mlle de Verthamon. Ce mariage fut célébré poétiquement par Fléchier, qui était déjà dans la maison ; il fit à ce sujet une Élégie en vers français dans le goût d'alors qui précédait la venue de Despréaux. L'Amour se plaint à sa mère qu'Alcandre (c'est-à-dire M. de Caumartin) résiste à tous ses traits, et que depuis la mort de sa première femme, il demeure inflexible :

Il soupira jadis son amoureuse peine,
Et ne put s'affranchir de ma première chaîne ;

  1. 1. Boileau parlait de M. de Caumartin, l'élëye de Fléchier, quand il disait dans sa satire XIe (1698) :

    Chacun de l’équité ne fait pas son flambeau ;
    Tout n'est pas Caumartin, Bignon, ni d'Aguesseau.

    En lisant, dans les Mémoires de Saint-Simon, le portrait du même M. de Caumartin, conseiller d'État et intendant des finances, mort en 1720, on y découvre des caractères de bonne éducation qui décèlent la main excellente de son précepteur. Après lui avoir reproché d'être glorieux, d'avoir sous son manteau les grands airs que le maréchal de Villeroi étalait sous son baudrier, et d'avoir été le premier homme de robe qui ait hasardé à la cour (ô scandale !) le velours et la soie, Saint-Simon ajoute : « Le dedans étoit tout autre que le dehors ; c'étoit un très-bon homme, doux, sociable, serviable, et qui s'en faisoit un plaisir ; qui aimoit la règle et l'équité, autant que les besoins et les lois financières le pouvoient permettre ; et au fond honnête homme, fort instruit dans son métier de magistrature et dans celui de finance, avec beaucoup d'esprit, et d'un esprit accort, gai, agréable. Il savoit infiniment d'histoire, de généalogie, d'anciens événements de la cour. Il n'avoit jamais lu que la plume ou un crayon à la main ; il avoit infiniment lu, et n'avoit jamais rien oublié de ce qu'il avoit lu, jusqu'à en citer le livre et la page. Son père, aussi conseiller d'État, avoit été l'ami le plus confident et le conseil du cardinal de Retz. Le fils, dès sa première jeunesse, s'étoit mis par là dans les compagnies les plus choisies et les plus à la mode de ce temps-là. Cela lui en avoit donné le goût et le ton, et, de Tun à l'autre, il passa sa vie avec tout ce qu'il y avoit de meilleur en ce genre. Il étoit lui-même d'excellente compagnie.... » Nous retrouvons là très-visibles et dans leur lustre des qualités et des avantages que Fléchier contribua certainement à développer et qu'il possédait lui-même avec modestie. ─ C'est dans les conversations de ce M. de Caumartin devenu vieux, et pendant un voyage qu'il fit chez lui au château de Saint-Ange, que Voltaire, jeune, se prit d'un goût vif pour Henri IV et pour Sully, dont le vieillard ne parlait qu'avec passion : il en rapporta l'idée et même des parties commencées de sa Henriade.