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LA FIN DU MONDE

s’y opposaient, et la plus grande liberté intérieure était laissée à la discussion. Un cardinal irlandais vint appeler sur lui les foudres de l’Église et parla d’excommunication et d’anathème ; mais on vit l’un des prélats de l’Église gallicane, non des moindres, l’archevêque de Paris en personne, monter à la tribune, et déclarer que le dogme de la résurrection des morts pouvait être discuté, sans encourir aucun blâme canonique, et être interprété par une conciliation entre la raison et la foi. On pouvait, selon lui, admettre le dogme, tout en reconnaissant rationnellement impossible la résurrection de nos propres corps !

« Le Docteur angélique, dit-il en parlant de saint Thomas, assurait que la dissolution complète de tous les corps humains sera opérée par le feu avant la résurrection (Summa theologica, III). J’ajouterai volontiers, avec dom Calmet (Dissertation sur la Résurrection des morts), qu’il n’est pas impossible à la toute-puissance du Créateur de réunir les molécules dispersées, de telle sorte que, dans le corps ressuscité, il n’y en ait aucune qui ne lui ait appartenu à quelque époque de sa vie mortelle. Mais un pareil miracle n’est pas nécessaire. Saint Thomas a montré lui-même (loc. cit.) que cette identité complète de matière n’est nullement indispensable pour établir l’identité parfaite du corps ressuscité avec le corps détruit par la mort. Je pense donc aussi que la lettre doit faire place à l’esprit.