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LA FIN DU MONDE

les envahissements de la mer ; mais le nord-ouest et le nord ayant été négligés par l’afflux des populations au sud et au sud-ouest, l’abaissement lent et continu des rivages continentaux observé depuis l’époque de César avait fait descendre les plaines anciennes au-dessous du niveau de la mer, et l’Océan, continuant à élargir la Manche et à ronger les falaises, depuis le Havre jusqu’à la pointe du Helder, les digues hollandaises cessèrent d’être entretenues, et la mer avait envahi les Pays-Bas, la Belgique et le nord de la France. Amsterdam, Utrecht, Rotterdam, Anvers, Bruxelles, Lille, Amiens, Rouen s’étaient vues submergées par les eaux, et les navires avaient flotté au-dessus de leurs ruines englouties.

Paris lui-même, après avoir été pendant longtemps port de mer et rivage maritime, avait vu les eaux monter à la hauteur ancienne des tours Notre-Dame, et recouvrir de leurs flots agités toute la plaine mémorable où pendant tant d’années s’étaient jouées les plus brillantes destinées de la Terre[1],

  1. Dès le dix-neuvième siècle, les études des historiens de la nature avaient découvert les oscillations verticales séculaires de la croûte terrestre, variant suivant les régions, et constaté le lent abaissement du sol occidental et septentrional de la France, et l’envahissement progressif de la mer, depuis l’origine des traditions historiques. On avait vu successivement la mer détacher du continent les îles de Jersey, des Minquiers, de Chausey, des Écrehous, de Cézembre, du Mont-Saint-Michel, et engloutir les villes d’Is, d’Hélion, de Tommen, Portzmeür, Harbour, Saint-Louis, Monny, Bourgneuf, la Feillette, Paluel, Nazado, et la presqu’île armoricaine reculer lentement devant l’invasion des flots. De siècle en siècle, l’heure du déluge océanique avait sonné aussi pour Herbavilla, à l’ouest de Nantes ; pour Saint-Denis-Chef-de-Caux, au nord du Havre ; pour Saint-Étienne-de-Paluel