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LES MÉTAMORPHOSES

avaient en quelque sorte formé une nouvelle espèce humaine. Leur capitale principale s’était étendue comme une rue sans fin de chaque côté du canal des Deux-Mers, de Bordeaux à Toulouse et à Narbonne. Les causes qui avaient fondé Lutèce dans l’île de la Seine et graduellement développé la cité des Parisiens jusqu’aux splendeurs du vingt-cinquième siècle n’existaient plus, et Paris s’était éteint avec la disparition des causes qui l’avaient allumé et fait resplendir. Le commerce avait pris possession de la Méditerranée et des grands parcours océaniques, et le canal des Deux-Mers était devenu l’emporium du monde.

Les nations, que nous appelons modernes, s’étaient évanouies comme les anciennes. Après avoir vécu environ deux mille ans d’une vie bien personnelle, la France s’était fondue, effacée au vingt-huitième siècle dans l’État européen, et il en avait été de même de l’Allemagne au trente-deuxième et de l’Italie au vingt-neuvième ; l’Angleterre s’était répandue à la surface océanique. L’antique Europe offrait aux yeux et à la pensée les mêmes spectacles que les plaines de l’Assyrie, de la Chaldée, de l’Égypte et de la Grèce. Autres temps, autres hommes. Des êtres nouveaux peuplèrent les anciennes cités. Ainsi, de nos jours, Rome et Athènes vivent encore ; mais depuis longtemps les Romains et les Grecs ont disparu de la scène du monde.

Les rivages du sud et de l’ouest de l’ancienne France avaient été protégés par des digues contre