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LA FIN DU MONDE

apparue en rêve. Le matin même, elle avait vu de loin son acte désespéré, et, par un suprême effort de volonté, avait arrêté son bras.

Et voilà que soudain elle tomba, rêveuse et comme assoupie, dans son fauteuil, en face de sa mère étendue morte ; sa pensée errante alla flotter au-dessus de la cité océanienne et son âme solitaire alla chercher pour sœur la seule âme qui vécut encore sur la Terre. Dans la dernière cité océanienne, Omégar l’entendit. Lentement, comme en rêvant, il monta à l’embarcadère des aéronefs. Subissant une mystérieuse influence, il obéit à la voix lointaine. L’aéronef électrique prit son vol vers l’occident, traversa les froides terres tropicales qui occupaient la place de l’ancien Océan Pacifique, de la Polynésie, de la Malaisie et des îles de la Sonde, et vint s’abattre sur la plate-forme de l’antique palais cristallin où la jeune fille fut tirée de son rêve par la chute du voyageur aérien qui se précipitait à ses pieds.

Elle s’enfuit, saisie d’épouvante, jusqu’au fond de l’immense salle, et soulevait la lourde peau qui séparait cette pièce de la bibliothèque, lorsque, arrivé tout près d’elle, il s’arrêta, mit un genou à terre, lui prit une main dans les siennes, et lui dit simplement :

« Vous m’avez appelé : je suis venu. »

Et il ajouta aussitôt : « Je vous connais depuis longtemps, je savais que vous existiez, je vous