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EVA

était le dernier rejeton. Là, les femmes avaient survécu au sexe jadis qualifié de fort. Les tableaux suspendus le long de la grande salle de la bibliothèque lui montraient ses aïeux et les anciens personnages célèbres de la cité. Les livres, les gravures, les statues lui montraient l’homme. Mais elle n’en avait jamais vu.

Elle rêvait, pourtant, et souvent des images inconnues et troublantes passaient devant ses yeux fermés. Son âme flottait parfois dans le mystère ignoré, le rêve l’emportait dans une vie nouvelle, et l’amour ne lui semblait pas encore entièrement exilé de la Terre. Depuis la domination suprême du froid, depuis plusieurs années, les communications électriques entre les derniers foyers humains du globe étaient arrêtées. On ne se parlait plus, on ne se voyait plus, on ne se sentait plus à distance. Mais elle connaissait la ville océanienne comme si elle l’avait vue, et lorsqu’elle fixait son regard sur la grande sphère terrestre qui trônait au centre de la bibliothèque, lorsque, ensuite, elle fermait les yeux et y portait sa pensée, lorsqu’elle appliquait son sens psychique à l’objet de sa volonté, elle agissait à distance avec une intensité d’un ordre différent mais aussi efficace que celle des anciens appareils électriques. Elle appelait, et elle sentait qu’une autre pensée l’entendait.

La nuit précédente, elle s’était envolée jusqu’à l’antique cité d’Omégar et, un instant, lui était