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Page:Flammarion - La Fin du monde, 1894.djvu/348

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LA FIN DU MONDE

luttes, il ne restait plus sur la Terre que les palpitations de deux cœurs, les baisers de deux êtres ; il ne restait plus que l’amour. Et l’amour demeurait le sentiment suprême, dominant comme un phare inextinguible l’immense océan des âges disparus.

Mourir ! Ils n’y songeaient guère. Ne se suffisaient-ils pas à eux seuls ? L’envahissement du froid venait les pénétrer jusqu’aux moelles : ne portaient-ils pas dans leur sein une ardeur assez chaude pour vaincre la nature ? Le Soleil ne brillait-il pas toujours du plus radieux éclat, et la condamnation finale de la Terre ne pouvait-elle être retardée longtemps encore ? Omégar s’ingéniait à maintenir tout le merveilleux système organisé depuis longtemps pour l’extraction automatique des principes alimentaires tirés par la chimie de l’air, de l’eau et des plantes, et paraissait y réussir. Ainsi, autrefois, après la chute de l’empire romain, on vit pendant des siècles les barbares utiliser les aqueducs, les bains, les sources thermales et toutes les créations de la civilisation du temps des Césars et puiser en des industries disparues les éléments de leur vitalité.

Un jour ils virent arriver, dans ce dernier palais de la dernière capitale, un groupe d’êtres chétifs, malheureux, à demi sauvages, qui n’avaient presque plus rien d’humain et qui semblaient avoir rétrogradé vers les espèces simiennes primitives, depuis si longtemps disparues. C’était une famille