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LA FIN DU MONDE

« Ne craignez rien, dit-elle, je viens vous recevoir. Non, vous ne mourrez point. Personne n’est jamais mort. Le temps tombe dans l’éternité. L’éternité demeure. Je fus Khéops, roi d’Égypte, et j’ai régné ici aux anciens jours du monde terrestre. Depuis j’ai expié mes crimes en plusieurs existences d’esclave, et, lorsque mon âme eut mérité l’immortalité, j’ai habité Neptune, Ganymède, Rhéa, Titan, Saturne, Mars, d’autres mondes, inconnus de vous. Jupiter est actuellement mon séjour. Aux temps de la grandeur de l’humanité terrestre, ce globe était inhabitable pour l’intelligence : il parcourait ses périodes de préparation. C’est ce monde immense qui reçoit maintenant l’héritage des progrès terrestres. Les mondes se succèdent dans le temps comme dans l’espace. Tout est éternel, tout se fond dans le Divin. Confiez-vous à moi. Venez ! »

Et, tandis que le vieux Pharaon parlait encore, ils sentirent un délicieux fluide pénétrer leur être mental, comme il arrive parfois lorsque l’oreille est entièrement séduite par une exquise mélodie. La sensation d’un bonheur calme et transcendant coula dans leurs veines. Jamais aucun songe, jamais aucune extase n’avait donné une telle jouissance.

Eva serra encore Omégar dans ses bras défaillants. « Je t’aime !… Je t’aime ! » répéta-t-elle. Sa voix n’était plus qu’un souffle. Il posa ses lèvres