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DERNIER JOUR

sur sa bouche déjà glacée et l’entendit encore qui murmurait en frissonnant : « Oh comme je l’aurais aimé !… »

L’astre de Jupiter étincelait au ciel.

Eva rouvrit les yeux, fixa son regard sur l’immense planète et parut s’abîmer dans sa lumière, comme fascinée par une vision. Tout à coup son visage s’illumina dans une rayonnante extase. On voit souvent, au moment du dernier soupir, une lueur d’ineffable tranquillité s’étendre sur la physionomie du mourant qui, délivré de ses souffrances, semble s’endormir dans un rêve enchanteur. Ainsi, et plus radieusement, en une illumination divine, fut transfiguré le visage de la dernière femme. Elle voulut parler. Elle étendit les bras vers Jupiter. Ranimée par une force nouvelle, elle s’écria, transportée d’admiration :

« Oui, c’est vrai. La voilà, la Vérité, celle que tu m’as fait pressentir. Qu’ils sont beaux ! Esprits immortels, je suis avec vous. Ah ! tu l’as dit, rien ne meurt. Je suis consolée. Omégar est avec moi. Nous continuons de vivre, nous vivons, nous vivons, toujours nous vivons ! »

Et elle s’exaltait encore. Illuminés d’enthousiasme, ses yeux se tournèrent vers Omégar. Mais elle ne le vit pas. « Oui, dit-elle, il est avec moi. Nous vivons, nous sentons, nous voyons. Le bonheur est dans la vie, dans la vie… éternelle. »

Poussée par une force surnaturelle, elle s’était levée, comme si elle avait voulu s’envoler dans