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LA FIN DU MONDE

de la mer tout ce qu’a perdu la surface du sol, et les résidus qui s’étalent au jour dans les deltas ne sont rien à côté des dépôts que la mer reçoit pour les disperser dans ses abîmes. Comment le penseur, témoin d’une telle œuvre, et sachant qu’elle se poursuit pendant les siècles, pourrait-il échapper à l’idée qu’en réalité les fleuves, comme les vagues de l’océan, mènent en permanence le deuil de la terre ferme ?

« Cette conclusion, la géologie la confirme de tous points. Elle nous fait voir, sur l’étendue entière des continents, la surface du sol constamment attaquée soit par les variations de la température, soit par les alternatives de la sécheresse et de l’humidité, de la gelée et du dégel, soit encore par l’incessante action des vers ou des végétaux. De là un processus de désagrégation, qui finit par ameublir même les roches les plus compactes. Les débris roulent d’abord sur les pentes et dans le lit des torrents, où ils s’usent et se transforment peu à peu en graviers, sables et limons, puis dans les rivières, qui gardent encore, au moins pendant leurs crues, une puissance suffisante pour les conduire jusqu’aux embouchures.

« Il est aisé de prévoir quel doit être le résultat final d’une telle action. La pesanteur, toujours agissante, n’est satisfaite que quand les matériaux soumis à son empire ont conquis la situation la plus stable. Or une telle conquête n’est réalisée que le jour où ces matériaux ne peuvent plus descendre.