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Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 2, 1909.djvu/147

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LA PLANÈTE MARS.

rence ne paraît pas simplement due au fait qu’une saison arrive quelques semaines plus tard que l’autre, mais à ce que les phénomènes présentés pendant les deux années sont différents.

Ainsi la branche centrale de l’Y, juste au nord de Noachis, qui était si marquée en 1892, n’était pas visible en juin 1894. Il est vrai que M. Lowell a cru la voir faiblement indiquée, mais, bien que je l’eusse examinée le même soir, je n’en suis pas sûr. Cependant la définition était telle que, si elle eût été la même qu’en 1892, on l’aurait reconnue au premier coup d’œil. Je l’ai encore examinée à l’apparition de juillet 1894, mais sans en apercevoir de traces. Deux dessins faits par M. Campbell les 18 et 20 juillet 1892, et publiés par la Société Astronomique du Pacifique (voir plus loin, p. 144), la montrent. Un dessin présentant son aspect le 4 septembre 1892 m’a été envoyé par M. Russell, de l’Observatoire de Sydney (Nouvelle-Galles du Sud). Ainsi cette branche serait caractéristique de l’opposition de 1892. Cette même région a été très soigneusement dessinée par M. Douglass et moi-même, plusieurs fois, entre le 30 juin et le 6 juillet 1894, sans que nous ayons pu distinguer de traces de la branche centrale. À ces dates, Mars avait la même position dans son orbite que les 12 et 18 août 1892. Un dessin fait par moi-même le 13 août 1892 montre la branche centrale très clairement. Il serait intéressant de savoir si son aspect a été noté cette année par les observateurs australiens, puisque, pour leur longitude, il devait être visible vers le milieu du mois de juin.

Non seulement la branche centrale de l’Y a été invisible cette année, mais encore la grande tache bleu sombre qu’elle mettait en communication avec la calotte polaire australe, et que nous avons appelée mer du Nord, était bien moins marquée et beaucoup plus petite qu’en 1892[1].

De même un grand golfe noir, limitant la neige fondante au nord, et situé droit au sud de Syrtis Minor, a été un trait frappant de nos observations de cette

  1. Cette « branche centrale de l’Y » dont parle M. Pickering forme le prolongement gauche de la mer Érythrée, le Sinus Sabæus formant la branche de droite, et l’Hellespont la branche de gauche. Il faut alors supposer la planète très penchée vers la gauche. Dans ce cas, l’aspect normal de 1892 serait à peu près celui de la fig. 96, p. 71 de cet ouvrage, sur laquelle cette mer allongée est très foncée. Comparer aussi la fig. 89, p. 64, de M. Pickering lui-même, retournée. M. Schiaparelli à signalé, d’autre part (fig. 106, p. 78), un changement arrivé là. Sur notre premier globe de Mars, publié en 1884, cette branche est foncée. Sur le second, publié en 1898, elle est d’un gris clair.

    Cette région étant le théâtre de variations certaines et fréquentes, il était très incommode de ne pouvoir la nommer qu’en périphrases. Nous avons cru devoir lui donner un nom et l’avons appelée Pandoræ Fretum « Détroit de Pandore ». Cette désignation est en rapport avec celle des pays voisins. On n’a pas oublié que Pandore, l’Ève des Grecs, avait été envoyée à Prométhée, comme épouse, par Jupiter.

    La même région portait le nom de détroit Arago sur les premières cartes (voir Tome I, p. 68 et 205). On la remarque sur le dessin de Green du 10 septembre 1877, sur ceux de Secchi en 1858, et même sur ceux de W. Herschel et de Schrœter.