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Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 2, 1909.djvu/148

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W.-H. PICKERING. — LES MERS DE MARS.

année. Ce golfe a été observé une fois seulement en 1892, le 27 juillet, et il n’était pas très marqué. Si ces régions très sombres sont de l’eau, comme on le croit, il paraîtrait alors que l’eau, qui n’avait pas atteint les régions boréales cette année, est apparue en excès au sud.

Examinant cette région noire, le 4 juin, avec un polariscope d’Arago, préparé pour moi par M. Brashear, j’ai trouvé qu’elle laissait voir des traces claires de polarisation, ainsi que le faisait le canal courant au nord. Ceci serait naturellement le cas si c’était là de l’eau, du moment que, située près du limbe, cette tache nous réfléchirait largement la lumière de l’atmosphère de Mars. Sur le reste du disque, la polarisation était à peine indiquée. À l’apparition suivante de cette région, le 9 juillet, l’observation a été répétée, mais ce qui m’a surpris, c’est qu’on ne pouvait plus découvrir de trace de polarisation dans la région sombre. J’ai alors fait un examen rigoureux de cette région, et ai trouvé que sa couleur avait entièrement changé ; ainsi, tandis que, le 9 juin, M. Lowell écrivait : « Baie d’un bleu sombre, paraît tout à fait comme de l’eau profonde », on constatait maintenant qu’elle avait une teinte brune chocolat, différant entièrement en couleur des régions grises bleues au nord. Ces régions grises ne montraient pas de signes de polarisation, et, ainsi que je l’ai remarqué déjà, je ne vois pas de raison pour supposer que leur couleur soit due à de l’eau. En ce qui concerne mes observations, il me paraît que la surface d’eau permanente sur Mars, si elle existe, est très limitée dans ses dimensions.

Ces grandes régions grises étaient d’une couleur brillante et franchement verte en 1890, juste avant l’équinoxe vernal. Dans la première partie de 1892 aussi, on voyait de vastes surfaces vertes sur la planète, mais, au fur et à mesure que la saison avançait, les régions vertes ont changé presque complètement au gris. En ce moment, on ne voit que très peu de couleur dans les parties ombrées. Elles sont assujetties aussi à de si grandes variations d’étendue suivant le progrès des saisons, que — à moins que nous ne puissions nous persuader que des inondations gigantesques, non suivies de nuages, constituent la condition normale des choses sur Mars — nous sommes forcés d’adopter quelque autre explication sur leur existence. La théorie qu’elles doivent leur couleur à de la végétation est peut-être la plus plausible, et quelques faits nouveaux touchant cette question ont été dernièrement mis en évidence. Le 30 juin, M. Douglass a noté une dépression distincte sur le terminateur, là où il était traversé par le jambage de l’Y. Au fur et à mesure de la rotation de la planète, la position de la dépression changea, et l’on remarqua qu’elle ne se trouvait pas toujours dans les parties les plus foncées du terminateur. Depuis cette date, de semblables dépressions, plus ou moins marquées, ont été constatées presque chaque soir. En examinant mes observations de 1892, je trouve à la date du 29 septembre, à 8h 6m, un dessin montrant un terminateur aplati, et une note disant que « la planète paraît quelque peu de cette forme ». Un examen ultérieur a montré que la longue et étroite bande connue sous le nom de Ceraunius se trouvait