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LA PLANÈTE MARS.

En 1879, j’ai pris des photographies des spectres de Mars et de plusieurs autres planètes pendant le crépuscule, en même temps que des spectres de la lumière du ciel dans le voisinage immédiat des planètes. Dans ces spectres s’étendant de la raie b à la raie S, dans l’ultra-violet, aucune raie ou modification du spectre solaire ne se montre qui soit particulière au spectre de la planète.

Sans doute, mes appareils de 1862-1867 étaient fort imparfaits comparativement aux appareils actuels, mais je n’ai aucune raison de douter de l’exactitude substantielle des observations, faites avec le plus grand soin.

M. Huggins a recommencé ces comparaisons entre le spectre de Mars et celui de la Lune au mois de novembre 1894[1].

La méthode employée en 1867 pour éliminer du spectre de la planète l’effet de l’absorption de notre propre atmosphère était de lui comparer le spectre de la Lune observé à une altitude égale ou plus basse. En 1879, l’auteur a adopté un autre plan, qui était de photographier ce spectre de Mars pendant le crépuscule, de manière à obtenir sur la même plaque le spectre du ciel environnant la planète. On avait ainsi les deux spectres (atmosphère terrestre et Mars) voisins et faciles à comparer.

Le 8 novembre 1894, six photographies du spectre de la Lune et quatre de celui de Mars ont été prises avec différentes poses donnant des longueurs de spectres de la raie F à la raie S dans l’ultra-violet. Elles furent ensuite comparées en plaçant un spectre martien sur un spectre lunaire, mais, comme en 1879, on n’a trouvé aucune bande, aucune modification qui différât du spectre lunaire et fût particulière à celui de Mars.

Mais, à l’œil, les observations faites les 8, 10 et 15 novembre montrèrent dans le spectre de Mars, des deux côtés de la raie D, les bandes atmosphériques plus fortes que dans le spectre de la Lune. On doit signaler surtout les groupes telluriques de λ 5928 à λ 5935 et de λ 5920 à λ 5925, ainsi que le grand groupe D, de λ 5885 à λ 5905, comme plus marqués sur Mars.

La même constatation a été faite plusieurs nuits de suite par M. et Mme Huggins, même lorsque la Lune était plus basse dans l’atmosphère.

Les deux spectres étaient, autant que possible, amenés à la même grandeur et au même éclat.

On ne peut pas encore affirmer qu’il y ait dans le spectre de Mars des bandes d’absorption qui ne correspondent pas avec celles de notre propre atmosphère ; mais il reste peu de doutes qu’il y ait là une bande d’absorption du côté le plus réfrangible (bleu) de la raie D, s’étendant de λ 5860 à λ 5840, qui n’a pas encore été vue sur la Terre et semble bien particulière au monde de Mars. La visibilité

  1. The Astrophysical Journal, 1895, t. I, p. 193.