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Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 2, 1909.djvu/217

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LA PLANÈTE MARS.
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Tel est l’ensemble des observations martiennes faites à Juvisy pendant l’opposition de 1894. Nous les compléterons par un extrait du procès-verbal de la séance de la Société astronomique du 7 novembre 1894 :

M. Flammarion fait une conférence-causerie sur les neiges polaires de cette planète, dans laquelle il discute d’abord les témoignages de l’existence de l’eau, ou du protoxyde d’hydrogène, sur ce monde voisin. Les récents travaux de l’Observatoire Lick, au moyen de l’analyse spectrale, tendraient à établir qu’il n’existe pas d’eau sur cette planète. Les astronomes du Mont Hamilton croient avoir démontré que le spectre de Mars est semblable à celui de la Lune et n’est qu’un reflet du spectre solaire.

MM. Janssen, Huggins et Vogel se seraient-ils trompés ? La question mérite une attention spéciale ; mais l’étude des calottes polaires de Mars n’en devient que plus intéressante. Depuis deux cents ans on les observe. Huygens en 1672, Maraldi en 1704 et 1719, Herschel en 1781 et 1783, Schrœter en 1798 et 1808, Beer et Mädler en 1830, et tous les observateurs suivants les ont signalées. Leur éclat saute aux yeux, pour ainsi dire. Elles se sont toujours comportées comme des neiges ; et, chaque année martienne, on les voit grandir à l’époque de l’hiver, fondre pendant l’été, sous l’action de la chaleur solaire. Cette année encore, à l’Observatoire de Juvisy, on a suivi, avec le plus grand soin, la diminution graduelle de la calotte polaire australe, en même temps que l’on constatait l’étendue des neiges boréales, visibles au bord inférieur.

On pourrait donc croire que ce sont vraiment là des neiges identiques aux nôtres. Comment donc n’y aurait-il pas de vapeur d’eau ? L’atmosphère de Mars étant moins dense que celle de la Terre, puisque la pesanteur sur Mars = 0.37, les conditions sont tout autres, et l’eau qui forme ces neiges pourrait être d’une autre matière chimique. Cela peut n’être pas du protoxyde d’hydrogène. On sait que, sur la Terre, la question des climats est due à la présence de la vapeur d’eau, qui conserve la chaleur comme le vitrage d’une serre, étant 16 000 fois plus efficace à ce point de vue que l’air sec. Mais l’eau n’est pas le seul corps qui jouisse de cette propriété. Il en est de même des vapeurs d’éther sulfurique, formique, acétique, d’iodure d’éthyle, de chloroforme, de bisulfure de carbone, etc. Les neiges de Mars pourraient être aussi des cristaux blancs d’acide carbonique qui s’évaporeraient à une température très basse. Enfin il peut y avoir sur cette planète des corps inconnus à la Terre. On voit que plus on avance dans cette étude, plus on y trouve de mystères.

Quoi qu’il en soit, la calotte polaire, si diminuée soit-elle, est encore perceptible. Quelques observateurs ont cru dernièrement qu’elle avait entièrement disparu. Cela tient à ce que le pôle du froid ne coïncide pas avec le pôle géographique. La calotte blanche a pu s’effacer le long du bord du disque, de l’autre côté du pôle, mais elle a reparu depuis, grâce à la rotation du globe, par 30° de longitude et à environ 1/2 du pôle. Déjà, au commencement de septembre, elle semblait