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Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 2, 1909.djvu/255

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LA PLANÈTE MARS.
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−2°5, l’eau privée d’air qu’à −5°, l’eau sous une faible pression atmosphérique qu’à −10° et 12°. L’atmosphère ne doit pas être, chimiquement ni physiquement, la même. La rareté des nuages s’explique facilement, car les vapeurs atmosphériques ne peuvent guère s’y condenser que sous la forme solide des particules glacées de nos cirri. Pas de nuages, cumuli ou nimbi ; pas de pluies.

On sait que notre atmosphère agit comme une serre pour conserver la chaleur reçue du Soleil et empêcher sa déperdition dans l’espace ; mais ce n’est pas l’air proprement dit, le mélange d’oxygène et d’azote qui possède cette propriété : c’est la vapeur d’eau. Une molécule de vapeur d’eau est 16 000 fois plus efficace qu’une molécule d’air sec pour conserver la chaleur solaire reçue. L’eau n’est pas le seul corps qui jouisse de cette propriété. Les vapeurs des éthers sulfurique, formique, acétique, de l’amylène, de l’iodure d’éthyle, du chloroforme, du bisulfure de carbone, de l’acide carbonique, etc., sont dans le même cas. L’atmosphère de Mars, toute raréfiée qu’elle est, certainement, peut tenir en suspension des vapeurs de ce genre et conserver à la surface de la planète une température égale ou même supérieure à la température moyenne de la Terre.

Mais il est à peine nécessaire d’imaginer autre chose que de l’eau analogue à l’eau terrestre, puisque les neiges ressemblent tellement aux nôtres dans leur envahissement hivernal, dans leur fusion estivale, et dans les inondations dont cette fusion paraît suivie, que nous pouvons les regarder comme à peu près semblables aux nôtres.

Ce qui diffère, c’est le mode de circulation.

Sur Mars, l’évaporation des mers ne donne pas naissance, comme chez nous à des nuages, des pluies, des sources et des rivières.

Aucun des grands cours d’eau que nous connaissons sur Mars ne commence en terre ferme. On ne voit que des canaux allant d’une mer à l’autre. Chaque canal commence et finit ou dans une mer, ou dans un lac, ou dans un autre canal, ou enfin à l’intersection de plusieurs autres canaux ; mais aucun d’eux n’a jamais été vu arrêté au milieu des terres, ce qui est de la plus haute importance. De plus, ils se croisent sous tous les angles possibles.

D’autre part, les nuages sont excessivement rares à la surface de Mars, et peut-être ne sont-ce que des brumes, ou de légers cirri. Ce ne sont pas des nuages de pluie ou d’orage. Lors de la dernière opposition de 1894, à l’Observatoire de Juvisy, où nous avons pour ainsi dire constamment les yeux fixés sur Mars, la planète s’est montrée, comme d’habitude, perpétuellement claire, à l’exception de quelques jours en septembre et en octobre, pendant lesquels j’ai constaté que la mer Cimmérienne et la mer Tyrrhénienne sont restées masquées par un voile de nuages. Ces voiles sont fort rares, tandis qu’ils sont perpétuels sur la Terre. Il n’y a certainement pas un seul jour par an où la surface entière de la Terre soit découverte et puisse être vue nettement de l’espace. Ce sont donc là deux régimes météorologiques absolument contraires.

De plus, dans l’atmosphère si raréfiée de Mars il n’y a pas de vents intenses.