Aller au contenu

Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 2, 1909.djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
249
FLAMMARION. — CIRCULATION DE L’EAU.

Rien d’analogue à nos vents alisés, ni aux régimes de vents prédominants qui régissent les climats terrestres. Quelquefois on a observé des traînées de neige fort longues paraissant produites par des courants dans une atmosphère tranquille (par exemple, M. Schiaparelli en novembre et décembre 1881), autour du pôle boréal, s’étendant très loin (Voir t. I, p. 541, fig. 263). Mais ce sont là des exceptions. L’état normal sur Mars, c’est le beau temps.

Sans doute, il ne faut pas nous abuser sur la précision de nos connaissances martiennes. Nous ne voyons pas tout ; nous n’avons jamais vu les fines ramifications que peuvent avoir les canaux ; nous ne connaissons pas la largeur des plus minces, ni le mécanisme de leurs dédoublements périodiques, et ce n’est que d’hier que nous sommes à peu près sûrs qu’ils transportent l’eau des neiges fondues, des mers, des lacs ou des marécages d’un point à un autre. De plus, comme je l’ai déjà fait remarquer, la bordure de prairies qui accompagne sur la Terre les cours d’eau de chaque côté, paraît les élargir pour un observateur placé dans la nacelle d’un ballon, qui pourrait facilement prendre ce ruban de prairie pour le cours d’eau lui-même[1]. Il est possible que de la végétation suive immédiatement l’arrivée des eaux. L’ignorance dans laquelle nous sommes de ces détails peut cacher tout un monde de réalités inconnues.

Peut-être, cependant, pouvons-nous essayer de nous former une idée de ce qui se passe là dans la circulation des eaux.

La fonte des neiges polaires donne presque toujours naissance à des inondations, ou à des assombrissements de ton des plaines végétales, sur d’immenses étendues, sur des centaines de milliers de kilomètres carrés. Les rivages des mers s’avancent au loin dans l’intérieur des terres, les canaux s’élargissent, de nouveaux canaux, souvent très larges, apparaissent, des îles, des presqu’îles, des portions de continents sont submergées. Tout nous prouve que la surface de la planète n’est qu’une immense plaine et que les montagnes y sont rares.

Les canaux peuvent être des rainures naturelles dues à l’évolution même de la planète, comme sur la Terre la Manche et le canal du Mozambique, ou des sillons creusés par les habitants pour la répartition des eaux, ou peut-être les deux, c’est-à-dire des formations naturelles rectifiées par l’intelligence. Nous n’essayerons pas de calculer, comme on l’a fait, le travail que représenterait la construction de ce réseau géométrique, car les conditions de la surface de Mars, nature des matériaux, densité, pesanteur, force musculaire, machines, état de l’humanité, sont tellement différentes des conditions terrestres, qu’il n’y a aucune analogie possible. Mais ce qu’il y a de certain, c’est que ces canaux servent à faire circuler les eaux et constituent un système hydrographique des plus ingénieux. On peut objecter que ce beau système n’empêche pas les inondations. Mais ces inondations apparentes ne sont peut-être que des fertilisations, des transformations végétales.

  1. Voir plus haut, p. 116, note.